Commentaires d’automne

Il se fait de belles choses en France : la participation pendant toute une journée à la Commission nationale des secteurs sauvegardés est, sur ce terrain, roborative : des maires motivés, des services de l’État qui collaborent avec les collectivités territoriales, des chargés d’études qui accroissent leurs compétences et la qualité de leurs méthodes au fil du temps (on le voit bien lorsqu’il s’agit d’extensions ou de révisions)… Tout cela pour paraphraser la gouaille de Maurice Chevalier, « ça fait d’excellentes réalisations patrimoniales ».

Cependant certains problèmes demeurent récurrents : parmi eux la question des logements vacants, et/ou indignes dans les centres historiques. Cette fameuse mixité sociale dont on parle tant et que l’on veut réaliser à coup de constructions de HLM dans les champs de betteraves voisins des villes, tout en oubliant que le Parlement a voté à l’unanimité une loi dite « Grenelle 1 », qui n’a pas dix ans, et qui veut donner un coup d’arrêt au grignotage de la campagne par la ville. Pourquoi, puisque l’on dispose d’excellents chiffres (ceux de l’Agence Nationale pour l’Habitat), ne pas s’en servir pour planifier la réappropriation des centres villes par des habitants ?

Il est un peu tôt pour faire un bilan des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale portant sur la loi dite « CAP » : Liberté de Création, Architecture et Patrimoine. Le Sénat entre en scène et en débattra sans doute début janvier.

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Nous nous réjouissons de quelques avancées :

– La reconnaissance du fait associatif, dans les grands principes, et dans la création d’un collège associatif parmi les membres des grandes commissions, au côté des personnes qualifiées, des élus et des représentants de l’État.

– L’introduction dans le droit interne français des normes d’urbanisme propres aux biens de la liste mondiale de l’UNESCO avec la création ajoutée par l’Assemblée nationale de « zones tampons » là où elles n’existaient pas.

– La création d’un chapitre du Code du patrimoine réservé aux domaines nationaux.

– Le réengagement de principe de l’État dans les cités historiques au moyen d’une aide matérielle et financière.

Mais nous demeurons très inquiets du régime juridique proposé pour ce qu’il faudra s’habituer à nommer, faute d’un autre vocabulaire, les « cités historiques ». Il s’agit d’un ensemble composé dans un premier temps des secteurs sauvegardés, des anciennes ZPPAUP non encore disparues (environ 500), des AVAP et des fameux PLU Patrimoniaux. Ceux-ci visent  plus exactement des mentions d’immeubles, de quartiers ou de paysages remarquables que les communes ont inscrites dans leur PLU au titre de la loi dite « Solidarité et Renouvellement Urbain » adoptée le 13 décembre 2000.

Nous reconnaissons volontiers que l’intégration automatique dans les « cités historiques » des ZPPAUP permettrait de les sauver alors que leur mort était programmée dans la loi Grenelle pour 2016.

Mais les questions majeures demeurent :

– d’une part la pérennité des protections, qui depuis cent ans, grâce à la loi de 1913, était assurée pour celles qu’elle avait créé : suffira-t-il d’une modification ou d’une révision de PLU pour mettre à bas les servitudes attachées à ces périmètres ?

– d’autre part le contenu des nouvelles protections destinées à remplacer les AVAP : rien dans la loi, sur les matériaux, les  gabarits, les enduits, les hauteurs etc…

– enfin, malgré des affirmations répétées : rien sur les prérogatives des ABF dans cette galère et rien sur le statut fiscal, que l’on dit pérennisé mais…

Nous sommes également inquiets du nouveau statut des abords : le périmètre de 500 mètres, certes « bête comme un périmètre » mais bien utile, serait remplacé par un périmètre accordéon qui pourrait aller jusqu’à s’arrêter à la porte de l’immeuble protégé. On voit d’ici les pressions qui s’exerceraient sur le maire au moment des débats sur les PLU de surcroit entre les mains des EPCI. Enfin nous continuons à penser que la présomption de propriété qu’institue le projet pour les éléments mobiliers trouvés dans des « fouilles fortuites » est une fausse bonne idée qui assèchera complétement ce type de « trouvaille ».

L’ANVPAH, le G8 Patrimoine, et la Cofac, soutenus  par le Mouvement Associatif entendent bien continuer à se faire entendre au Sénat sur tous ces sujets.

Alain de La Bretesche

Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur du Mouvement associatif (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’
Europa Nostra