De Palmyre à Orléans en passant par le Palais Bourbon

Il s’appelait Khaled al Assaad, il avait quatre-vingt-deux ans et il avait consacré toute sa vie à son métier-passion : conservateur des antiquités de Palmyre. On lui a coupé la tête en public sur les lieux de ses forfaits : avoir voulu garder intacts, pour les générations futures les vestiges de la civilisation dont sont issus les peuples installés autour de la « mare nostrum ».

Notre ministre de la Culture, dont chacun sait qu’elle est arrivée rue de Valois nimbée de sa compétence dans le domaine numérique, a pris l’initiative de rechercher les voies et moyens de reconstituer en 3D les temples dynamités.

Cette action de mémoire doit évidemment être saluée. Mais, quelques jours avant le début de l’examen de ce qui avait été présenté comme la grande loi issue du ministère de la culture (programmée pour le 16 septembre),  cent ans après la grande loi de 1913 protégeant les monuments historiques, cette proposition « technique » est-elle suffisante ? Quel grand souffle, quel dessein, la nation française, par ses représentants va-t-elle  donner à son patrimoine culturel et à ses paysages pour que nous suivions ensemble la voie diamétralement opposée à celle des obscurantistes de l’État islamique ?

On aimerait d’abord  que d’une manière ou d’une autre fut réaffirmée de manière politiquement consensuelle la valeur universelle exceptionnelle (VUE) des biens reconnus par l’Unesco et la valeur nationale de ceux que l’État protège en France au moyen d’une politique intérieure ou extérieure cohérente : en matière de patrimoine, il n’y a pas deux vérités en deça et au-delà des Pyrénées. On ne peut pas vouloir soutenir de la voix les temples de Palmyre ou les tumuli africains et laisser détruire la rue des Carmes à Orléans ou parsemer d’éoliennes les environs de la basilique Saint-Savin ou des salines royales d’Arc-et-Senans.

On voudrait aussi que la nation, en vertu de la règle de plus en plus abondamment commentée par les juristes dite de « l’effet cliquet », reprenne le chemin tracé par André Malraux en 1962 et, s’interdisant de revenir en arrière, progresse sur le chemin de la protection et du développement du patrimoine en augmentant le nombre des secteurs sauvegardés (nous sommes loin des quatre cents secteurs sauvegardés annoncés en 1962), en donnant un contenu beaucoup plus montant et donc convergeant aux zones de protection qui seront confiées aux collectivités décentralisées et en réaffirmant le rôle de l’État, gardien de cette valeur nationale, en soignant la pérennisation des protections en particulier locales.

On aimerait encore beaucoup de choses que nous avons exprimées cette semaine à Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale et rapporteur du projet de loi.

Nous vous tiendrons au courant de l’avancée du débat parlementaire dans notre prochain numéro.

N’hésitez pas à contacter les parlementaires de votre région et à les sensibiliser : les quatre mois qui viennent seront décisifs…

Alain de La Bretesche

Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur du Mouvement associatif (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’
Europa Nostra