Courrier des lecteurs – Association des Amis de l’Île du Large Saint Marcouf

Le courrier des lecteurs est une nouvelle rubrique dans notre lettre d’information. Elle permet de donner la parole aux lecteurs qui réagissent aux articles, aux éditos afin de présenter un point de vue, une actualité.
Pour ce premier volet, le président de l’association des Amis de l’Île du large Saint Marcouf (Manche) nous a écrit sur le sujet de notre article Le réseau Natura 2000 au cœur de la stratégie européenne en faveur de la biodiversité.

Vue aérienne de l’île du Large (archipel de Saint-Marcouf) © Frédéric Almaviva

« J’ai pris connaissance avec intérêt de votre lettre d’information et, plus particulièrement de la fiche Réseau Natura 2000.

Je saisis cette opportunité, pour vous faire remarquer que dans la « littérature Natura 2000 » il est peu – voire pas du tout – fait mention du patrimoine historique, et que, expérience à l’appui, cela peut donner lieu à une confrontation environnement/patrimoine assez peu favorable au patrimoine.

Il se trouve que le site qui fait l’objet de notre association, adhérente de Patrimoine-Environnement, les Amis de l’île du Large Saint Marcouf se trouve au milieu de la zone Natura 2000 – Baie de Seine Occidentale .

Cette île porte sur sa quasi-totalité un fort et son système de défense, avec un petit port, construit sous N. Ier et N. III. Elle a été, sur notre demande, intégralement classée Monument historique. Elle appartient au domaine privé de l’Etat et devrait être cédée au département de la Manche où elle est cadastrée, si l’Etat accepte le principe de son accessibilité au public. Notre association, avec le Conseil départemental de la Manche, celui du Calvados et la Région Normandie, milite pour que ce principe de réouverture au public soit accepté.

Reste que ce principe d’ouverture s’oppose à une mesure d’interdiction prise dans le cadre du Document d’objectifs (DOCOB), contre l’avis d’un certain nombre d’acteurs locaux, dont notre association.

Comme président de cette association depuis six ans, j’ai participé aux groupes de travail pour l’élaboration du DOCOB, puis de la charte, que je n’ai pas voulu signer car le DOCOB n’avait pas pris en considération nos réserves sur certaines mesures.

Depuis, cette mesure a été entérinée par un arrêté préfectoral de biotope, puis par un arrêté du préfet maritime tentant à sanctuariser le site, contre lequel nous recourrons devant le tribunal administratif, avec l’appui des présidents de collectivités territoriales riveraines.

Ce cas est très emblématique d’une opposition entre des objectifs de protection de l’environnement (en l’occurrence essentiellement les oiseaux de mer, étant en Zone de protection spéciale et en Zone spéciale de conservation) et un patrimoine architectural et historique indéniable, susceptible d’être inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO dans le cadre des sites du Débarquement du 6 juin 1944.

Ce que je voudrais vous faire remarquer, c’est que – à ma connaissance – la notion de patrimoine bâti, classé ou inscrit, au moins, n’est pas évoquée dans les règles N 2000 et que la considération qu’on peut leur accorder ne relève que du bon vouloir du gestionnaire des zones. Certes, le classement MH porte des obligations de préservation qui ont force de loi, mais, qui ne peuvent que très difficilement s’imposer, d’autant que les moyens budgétaires des Conservations régionales des monuments historiques (CRMH) sont limités et leur influence dans un arbitrage préfectoral d’une confrontation environnement/patrimoine est plus que limitée.

Il serait bon que, pour éviter cette confrontation dont le patrimoine aura du mal à sortir gagnant, une réflexion s’engage sur cette question pour que le patrimoine ne soit pas un laisser pour compte dans les zones N 2000.

Cette question trouverait, très probablement, un bon écho chez les élus et collectivités territoriales. »

Christian Dromard,
Président Association des Amis de l’Île du Large Saint Marcouf
www.ilesaintmarcouf.com

Son analyse et ses suggestions très pertinentes devraient effectivement être un sujet de réflexion ; chers lecteurs, cette rubrique est la vôtre, réagissez aux actualités, à nos actions et écrivez-nous !