Edito – Fluctuat nec mergitur

© MC/DidierPlowy

Le dernier Journal du Dimanche écrit que Roselyne Bachelot, notre nouvelle ministre de la Culture est « insubmersible »…
Malgré mon ardent désir, je crains, après trois hospitalisations successives et d’autres à venir, de ne pouvoir m’appliquer ce solide adjectif.

Fluctuat nec mergitur n’est pour moi aujourd’hui qu’une espérance.

Cependant, la circonstance que, depuis le mois de février, je sois occupé à « médiciner » n’aura naturellement pas les mêmes conséquences pour le patrimoine français, que l’arrivée au Palais Royal d’une femme dont l’expérience politique est très complète et l’affect culturel est apparemment important : par exemple, son amour de l’orgue est assez fort pour qu’elle doive retenir ses larmes en apprenant la perte du grand orgue de la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Nantes.

Craquer pour le ministère de la Culture dont la titulature lui fait perdre la moitié de ses revenus et la popularité d’une « grosse tête », voilà un début d’aventure qui peut nous parler.

Nous sommes assurés que madame Bachelot aura de l’oreille pour la musique d’orgue et l’opéra et de l’œil pour le spectacle vivant, dont elle a pratiqué personnellement jusqu’aux coulisses.

Notre incertitude reste de savoir quelle sera sa sensibilité à étayer avant qu’il ne s’effondre comme une cathédrale française, l’autre pilier de la rue de Valois : le Patrimoine qui ne saurait être dissocié du panorama qu’il est impossible de voir en ouvrant sa fenêtre à Paris, sauf à flipper pour les tours triangles. Un concept que l’on appelle « paysage » et qui est inséparable de toute politique patrimoniale.

Quelques indices ne sont pas pour nous déplaire : 

  • L’adhésion immédiate aux conclusions du rapport de l’ABF de Notre-Dame : Philippe Villeneuve qui a recommandé la reconstruction de la cathédrale de Paris à l’identique.
  • Les apparitions fréquentes dans son antichambre de Stéphane Bern dont les amitiés politiques n’empêchent jamais la libre expression de paroles fortes à l’oreille de Jupiter.
  • Son parcours d’élue locale en Anjou qui peut faire espérer une autorité nouvelle sur les DRAC et, grâce à la Ville d’Angers qui en est un bel exemple, une bonne connaissance de ce que doit être un « Site Patrimonial Remarquable », une expression parfaitement inconnue de ses prédécesseurs à leur arrivée dans le bureau d’André Malraux.

Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de notre fédération et selon les valeurs qu’elle porte depuis sa création, nous attendons que le ministère de la Culture redevienne celui du Patrimoine rural non protégé, transféré un jour sans grandes réflexions aux départements, ne laissant pour l’instant qu’au néant la mission de conserver et de remettre nos quarante mille églises au milieu des villages.

Il faudra aussi que tout en renforçant certains mécanismes de décentralisation en particulier avec les « territoires » pour employer l’expression désormais consacrée spécialement avec les associations de villes et d’élus qualifiées d’Art et d’histoire ou de caractères, la ministre applique les pouvoirs régaliens qui sont les siens pour lutter contre les iconoclastes locaux qui se sont crus, ces derniers temps, tout permis en Dordogne ou ailleurs.

Enfin, tirant les conséquences des jugements et arrêts rendu pour mettre un terme au triangle de Gonesse, ou aux projets aberrants de « Center parcs » montagnards nous attendons que celle qui a succédé à André Malraux s’interroge avec nous face aux énergies renouvelables que nous soutenons bien sûr dans leurs principes, pour empêcher que certaines d’entre elles soient un véritable assassinat pour les paysages ou le Patrimoine.

Madame Bachelot, désormais doyenne du gouvernement, a le même âge que votre serviteur. Cela m’autorise à appeler à l’aide, avec quelques corrections personnelles, le bonhomme La Fontaine : « Une septuagénaire plantait : passe encore de bâtir, mais planter à cet âge…. ».

Au risque de fâcher le grand homme de Château Thierry, je me permet d’inviter la nouvelle ministre à planter tout ce qu’elle pourra dans les jardins du Patrimoine pendant les Six cent jours qui lui ont été accordés par la providence.

Alain de La Bretesche,
Président de Patrimoine-Environnement