La cité-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry (92) menacée

« Guerre aux démolisseurs ! »

Rue Albert Thomas avec la tour signal 1931-33 architecture du style Bauhaus photo. Barbara Gutglas

Faut-il donc encore reprendre, près de deux cents ans après, cette invective de Victor Hugo alors que, soit disant, nous serions entrés dans l’ère du développement durable ? Cette ère ne devrait-elle pas imposer une prise en considération du « déjà là », l’entretien et la mise en valeur plutôt que la démolition/reconstruction notamment au regard du bilan carbone ?
Surtout qu’en l’occurrence, ce « déjà là » représente un réel patrimoine en tant qu’il marque un urbanisme exemplaire, celui des cités-jardins, traduisant, dans l’entre-deux guerres et au-delà, une politique sociale du logement volontariste en faveur des moins nantis.

Il s’agit d’autant plus d’un patrimoine avéré qu’il a été reconnu par le ministère de la Culture au titre d’un label « Patrimoine du XXème siècle », décerné en 1990 !
Un label qui n’emporte cependant aucune obligation ni mesure de conservation, mais éventuellement, en cas de travaux modificatifs, une saisine de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, commission en l’occurrence simplement consultative1. Ainsi ce code ne précise-t-il que les conditions de retrait de ce label …
Alors pourquoi ne pas conforter un tel label par une mesure de protection parfaitement adaptée : le « site patrimonial remarquable » ?

C’est bien entendu ce qui a été « suggéré »2 aux propriétaires et gestionnaires des lieux, mais suggestion qui, pour le moment du moins, a fait fiasco !
Pourquoi ? Parce que ces derniers n’en veulent pas ! Et préfèrent substituer à ce déjà là une « cité-jardin du XXIème siècle » avec, au détour, il va sans dire, force opération immobilière.
Or, le classement en site patrimonial remarquable requiert une proposition ou un accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, qui n’est elle-même que la commune…3

La demi-lune architecture inspirée des théories d’architecture de Le Corbusier. Photo B.Gutglas

Pour opposer au-moins un moratoire à la délivrance ou à l’exécution des permis de démolir, il resterait cependant une possibilité : celle d’introduire une instance de classement au titre des monuments historiques4 ; mais, entre-temps, le maire n’est-il pas devenu président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, ce qui subodore la faiblesse des responsables de l’État, ministre de la Culture en tête, à poursuivre toute action en faveur d’une protection ?!
NON, on ne peut résolument renoncer à une « guerre aux démolisseurs » en se réfugiant dans un tel constat d’impuissance d’autant que de très nombreuses voix de la société civile (associations5, grands professionnels de l’urbanisme et de l’architecture, population et organes de presse), mais aussi parmi des parlementaires, ainsi que Jack Lang ancien ministre de la Culture, se sont élevées.

Deux témoins particulièrement concernés par cette menace, Barbara Gutglas, chef de file de la contestation au sein de l’association locale Châtenay-Patrimoine-Environnement et Marc Sirvin, architecte et l’un des descendants de Paul Sirvin ayant participé alors à l’équipe de conception de la cité-jardin, ont, à notre invite, souhaité nous faire part de leurs inquiétudes et questionnements8.

Nous avons aussi décidé d’adresser à la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, avec d’autres associations, un courrier conjoint de relance afin d’éviter un tel saccage qui, sans nul doute, porterait une grave atteinte à la crédibilité de l’État en matière de politique patrimoniale.

Dominique Masson,
Secrétaire général de Patrimoine-Environnement

Rue du Général Duval 1935-39 toiture terrasse et une dissymétrie maîtrisée marque typique du mouvement moderne en architecture photo. B.Gutglas

1 Voir l’article R.650-6 du Code du patrimoine.
2 On ne peut, au regard du contexte réglementaire, que retenir ce terme et non réellement celui de « notifier ».
3 Voir l’article L.631-2 du Code du patrimoine.
4 Voir l’article L.621-7 du Code du patrimoine. Une telle mesure s’accorderait avec la grande qualité urbaine et architecturale de la première phase de réalisation de la cité-jardin.
5 Association locale au premier rang Châtenay-Patrimoine-Environnement, mais aussi associations nationales telles que Vieilles maisons Françaises, DOCOMOMO , Sites et Monuments, …
6 Articles de presse :
Non à la démolition de la cité-jardin de la Butte Rouge, Oui à un Site Patrimonial Remarquable ! (SPPEF)
Châtenay-Malabry : la rénovation de la Butte-Rouge divise les habitants (Le Parisien)
La Cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry va être transformée ! (Patrimoine-Environnement)
Châtenay-Malabry : la Butte Rouge bientôt démolie ? (PAJ Magazine)