Compte-rendu de l’Atelier du 11 octobre 2013 : « Les églises rurales : Etat des lieux et perspectives »

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La Fondation du Patrimoine et Patrimoine-Environnement, dans une action commune, ont souhaité réfléchir à  la meilleure formule pour restaurer ses édifices, sous la forme d’un partenariat entre fonds publics et fonds privés. L’Atelier du 11 octobre 2013 a été la première phase de cette action ayant pour objet d’établir un état des lieux nécessaire à l’élaboration de propositions et de décisions.

L’atelier a réuni 46 personnes. Il s’est tenu de 9h à 18h à Lille dans la salle de réunion du Pôle Santé Travail de Lille. Il s’est déroulé en 3 temps forts.

Eglise de Lumbres

Eglise de Lumbres

En mots d’introduction, Alain de la Bretesche, président délégué de Patrimoine-Environnement, a évoqué l’intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, au dîner annuel de la Grande Loge de France, le samedi 21 septembre 2013[1] afin de rappeler l’importance du droit souple et notamment des circulaires (dont la dernière du Minière de l’Intérieur sur les édifices de culte date du 29 juillet 2011).

Guy Sallavuard, directeur des relations institutionnelles de la Fondation du Patrimoine, a mentionné, quant à lui, la dimension dominante de l’action de la Fondation du Patrimoine en faveur des édifices cultuels. En effet, 75% des projets publics de la Fondation du Patrimoine les concernent avec principalement trois outils offerts aux propriétaires publics : le mécénat privé, le mécénat populaire et les subventions.

 

1ère PARTIE : ÉTAT DES LIEUX ACTUEL DES ÉGLISES

L’état des lieux statistiques des églises rurales a été commenté par Benoît de Sagazan, rédacteur en chef au Groupe Bayard, auteur du site Patrimoine-en-blog. Celui-ci a souligné la difficulté de déterminer le nombre exact et l’état sanitaire des églises en France. Actuellement environ 40 000 édifices cultuels sont recensés, 267 églises sont en danger, et 19 récemment démolies (dont certaines reconstruites) dont 5 depuis 2013. Malgré la médiatisation de récentes destructions d’églises, il a été bon de rappeler que l’on n’a jamais autant restauré d’églises qu’aujourd’hui, de même que le problème des églises en péril n’est pas un fait nouveau et a déjà fait l’objet de régulières campagnes de presse. Ainsi ce fut l’occasion de nous faire partager la phrase savoureuse de Maurice Barrès « une église dans le paysage améliore la qualité d’air que je respire »[2].

Une table ronde au sujet de l’évolution de l’opinion publique soutenant la sauvegarde d’églises s’est réunie autour de Marc Botlan, inspecteur général des Monuments historiques au Ministère de la Culture et de la Communication. Celle-ci a permis de rappeler que la défense des édifices cultuels dépasse souvent le seul intérêt des croyants pratiquants. L’église représente également un repère pour les non croyants en étant liée à l’histoire de chaque habitant de la commune.

Même si la ligne budgétaire du Ministère de la Culture consacrée aux aides à la restauration du Patrimoine rural non protégé (PRNP qui, en anglais, comme l’a indiqué ironiquement Marc Botlan, désigne  un gène humain porteur d’une maladie dégénérative sur la mémoire et les repères spatiaux !) a été transférée aux départements depuis la loi du 13 août 2004, le Ministère reste attentif à ce patrimoine.

Anne-Violaine Hardel, représentante du service juridique de la Conférence des Evêques de France, a réaffirmé quant à elle que l’église catholique veut encore de ses églises. La « nuit des Eglises » montre que les évêques souhaitent donner à leurs églises un nouveau souffle notamment en les ouvrant pour des concerts. L’exemple atypique de l’église de Metz l’a illustré. Celle-ci réunit de grands géographes en mémoire de ses chanoines, reconnus pour leurs qualités de spécialistes en la matière. De plus, cela a été l’occasion de souligner que les démolitions d’églises ne sont pas un fait nouveau. Elles s’inscrivent dans une mutation forte de nos pratiques religieuses.

Francis Dellerie, qui a spécifié qu’il n’était pas pratiquant, a été le défenseur de l’église de Lumbres, bourg de 3 800 habitants, près de Saint-Omer (62). L’édifice n’était plus entretenu depuis vingt ans. L’eau de pluie s’était infiltrée dans les piliers qui se désagrégeaient. Son combat, individuel, a été de réussir à établir un nouveau devis afin de prouver qu’une restauration moins onéreuse était possible. Les sommes collectées ont été de l’ordre 1,3 millions d’euros ! Aujourd’hui l’église a pu être rendue au culte, son chantier a été structure d’insertion et son association compte à l’heure actuelle une centaine de membres.

Cette expérience a fait réagir dont Loic Dusseau, avocat attaché en Anjou, qui a défendu l’église de Chambellay (Maine et Loire) et l’église de Sainte-Gemme-d’Andigné. Celui-ci a confirmé le rôle fondamental d’une contre-étude dans la sauvegarde des églises pour avoir le coût réel de leurs restaurations et contester les motifs de destruction.

Lors de cette première partie, Guy Sallavuard a aussi évoqué le projet d’un outil expérimental de comptage et de diagnostic des églises en Seine-et-Marne. Philippe Duprez, représentant de la Sauvegarde de l’Art Français, est quant à lui, revenu sur l’importance d’accompagner les projets de restauration par une ingénierie culturelle avec de solides projets.

2ème PARTIE : ÉTAT DES LIEUX JURIDIQUE

Louis-Xavier Thirode, chef du Bureau central des cultes du Ministère de l’Intérieur, a mis l’accent sur la procédure nécessaire de désaffection en cas de destruction ou modification de la destination du lieu de culte dont la légalité est soumise à l’accord explicite de son affectataire.

Concernant les arrêtés de périls, il a été souligné que si ceux-ci ne font actuellement l’objet d’aucun contentieux, ils pourraient pourtant l’être. La jurisprudence sur le caractère impératif « d’absolue nécessité » pour la sécurité publique (CE, 7 mars 1913 n° 52759) a donc été rappelée.

La question de la désaffectation partielle a été débattue mais la sensibilité des évêques sur la désaffectation partielle semble frileuse. La Conférence des Évêques de France la rejette pour le moment.

L’absence de jurisprudence sur la désaffectation lors de déconstruction/ reconstruction d’édifices cultuels a été aussi soulignée, tout comme le financement de constructions nouvelles qui pourrait être assimilé à un financement au culte.

La nécessité de l’ouverture des églises a aussi été affirmée et l’idée d’un gardien, délégué affectataire, émise. Le diocèse de Cambrai est intervenu pour témoigner de son expérience puisque le financement du gardiennage est déjà assuré par la ville.

La jurisprudence du Conseil d’Etat du 19 juillet 2011 relative à l’intérêt public local a été discutée puisque celle-ci donne la possibilité de financer des choses à la fois cultuelles et ayant un intérêt culturel et offre une souplesse à l’article 2 de la loi de 1905.

Le Plan local d’urbanisme a été aussi évoqué comme outil de protection des églises non protégées au titre des monuments historiques en faisant jouer l’article 123-1-5 7° du code de l’urbanisme.

 

3ème PARTIE : ÉTAT DES LIEUX SUR LES FINANCEMENTS DES ÉGLISES RURALES

Le financement indirect étatique par les dotations a été évoqué par Alain de la Bretesche au travers de la réponse faite à Madame Férat par le ministère de la Culture (communication publiée dans le JO Sénat du 21/02/2013 – page 604) ainsi que les réserves parlementaires.

Les expériences régionales ont été illustrées au travers de l’exemple du Nord-Pas de Calais par Pierre Vidal, délégué régional Nord-Pas de Calais de la Fondation du Patrimoine, qui a montré plusieurs chantiers de la Fondation en partenariat avec la Conseil Régional après avoir expliqué leur dispositif de collaboration qui existe depuis dix ans.

Les expériences départementales ont donné lieu à une table ronde autour de laquelle Sébastien Naudinet, directeur des Finances au Conseil Général d’Eure-et-Loir, a parlé de l’initiative de Monsieur Taugourdeau débutée en 1999 en faveur des églises rurales non protégées dans le cadre de la mise en place d’un fonds départemental de péréquation alimenté par des droits de mutation dont 228 églises du département ont pu bénéficier. Actuellement un fonds de dotation a été mis en place. Le problème de l’éventuelle suppression de la clause de compétence a été également abordé.

Bertrand Sechet, chef de service Patrimoine et politiques territoriales à  la direction de la Culture au Conseil Général de la Sarthe, a rappelé le système de co-financement pour la sauvegarde des édifices cultuels non protégés dont le département est le principal financeur aux côtés des communes. Les contrats de territoires rédigés au cas par cas tout comme les aides FEADER et des Pays ont été évoqués. Il a aussi expliqué la dissociation de l’expertise technique, de l’expertise de financement et le rôle de plus en plus reconnu du CAUE de Sarthe.

Julie Chantal, chef de service du Patrimoine à la direction de l’Action Culturelle du Conseil Général du Nord, nous a fait partager le rôle du Conseil Général en l’illustrant de certains exemples locaux.

Si les expériences communales du Nord-Pas de Calais ont été représentées par trois maires, le rôle de l’intercommunalité a été souligné dans le relais qu’elle peut représenter pour les communes avec la possibilité d’un transfert de propriété de l’église communale à l’intercommunalité dans l’avenir. Le cas de l’église Saint Léger de Gosnay dont la propriété à été transféré de la commune à la Communauté d’agglomération de l’Artois a été cité.

Les interventions de Francis Ampen, maire d’Arneke, de Jean-Pierre Ramette, maire d’Eth, et Pierre Guillemant, président de la communauté de communes d’Atrébatie et maire de Magnicourt-en-Comte, ont montré l’importance des financements croisés pour sauvegarder les églises de commune, qui représente souvent la seule richesse  de leur patrimoine avec les financement indirects étatiques par la DETR, par l’aide des Conseils Régionaux et Généraux ainsi que le soutien de  de la Fondation avec la souscription publique qui permet de faire participer activement la population à la sauvegarde de l’édifice.

Le mécénat populaire pour le patrimoine religieux a été illustré par Guy Sallavuard par quelques chiffres et graphiques. De 2002 à 2012, la Fondation du patrimoine est intervenue en faveur de 3461 lieux de culte (églises, chapelles, temples, synagogues …).

Les porteurs de projet sont à 86% des communes (dont  42 %  ont moins de 500 habitants et 75 % moins de 2000 habitants), 12% sont des associations, 1  % sont des intercommunalités, 1  % pour les autres.

Par l’intermédiaire de la Fondation du patrimoine, une commune ou une association assurant la maîtrise d’ouvrage de travaux de restauration peut faire appel à la générosité publique et faire bénéficier les donateurs des déductions fiscales prévues par la Loi d’Août 2003 relative au mécénat. La Fondation du patrimoine collecte les fonds et reverse au maître d’ouvrage les sommes ainsi rassemblées.

En conclusion, la perspective d’un fonds spécifique a été proposée et l’idée d’un fonds de secours sera l’occasion d’une seconde réunion interne avec la Fondation du Patrimoine à Paris.


[2] Maurice Barrès, La grande pitié des églises de France, 1914

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