Jean de Lambertye : un vrai seigneur lorrain

Jeudi 4 avril, le grand amphithéâtre de la Fédération du Bâtiment est plein pour le congrès de la Demeure Historique. Vers midi et demi, Jean de Lambertye s’empare pour la dernière fois du micro et fait ses adieux à l’Association : je dirai plutôt l’œuvre, à laquelle il consacre sa vie depuis 18 ans. Une belle standing ovation, longue et chaleureuse, et la page est tournée.

Jean de Lambertye avait vingt ans lorsque son père, victime d’une attaque cérébrale, l’a laissé sur terre avec un sacré héritage : l’immense Château de Cons-la-Grandville en Lorraine transmis par les femmes dans sa famille jusqu’à lui.

Des hectares de toitures, sur le point de s’effondrer par endroit, un prieuré comme si le château ne suffisait pas et à peu près toutes les problématiques qui se posent aujourd’hui à un Châtelain qui ouvre sa maison au public en appliquant la doctrine du fondateur de la Demeure Historique : Joachim Carvallo, qui fut propriétaire de Villandry.

Nous nous sommes rencontrés au Carrousel du Louvre avec notre ami commun Noël Mouré et Patrick de La Tour, qui n’était jamais très loin, et il avait témoigné ce jour là de cette expérience humainement exceptionnelle : celle de sa jeunesse. Dans le cadre d’un petit colloque organisé pendant le Salon du Patrimoine.

Lorsqu’il a succédé plus tard à Henri François de Breteuil à la tête de la Demeure Historique, notre modeste association des Journées juridiques du Patrimoine a toujours pu compter sur son soutien discret et très souvent sur sa présence dans la salle, et votre serviteur sur un coup de fil sympa !

Faire le bilan de son action à la tête de la principale association de propriétaires demanderait plus de temps qu’un édito le permet. Convaincu que ses adhérents avaient besoin d’abord de soutien et de services, il laisse en partant une équipe bien huilée, compétente et, cela compte aussi : joyeuse qui manie avec bonheur : la fiscalité, les conseils à la maîtrise d’ouvrage, les fiches techniques sur l’emploi, les jardins, les subventions etc…

Il a obtenu que la Fondation de la Demeure Historique soit reconnue d’utilité publique et abritante.

Il a aussi su s’entourer d’un bureau dans lequel nous comptons des amis, comme Gilles Bayon de la Tour, Olivier de Lorgeril et plusieurs jeunes talents.

Alors que la pente quasi naturelle de la Demeure Historique eut pu être un conservatisme immobile et, le septuagénaire que je suis à le droit de la dire, « d’un certain âge », il en a fait un consortium de jeunes quadragénaires qui est probablement l’organisme dont les dirigeants sont les plus jeunes du monde du Patrimoine.

Car son grand œuvre a été de réunir sous le même toit les représentants de familles illustres et anciennes et de jeunes repreneurs assez passionnés pour se couvrir d’emprunts afin de satisfaire ce qui était l’objet de leur rêve. « Je ne critiquerai jamais les gens qui vendent : il faut un sacré courage ». Il s’est voulu l’homme de la synthèse : « il y a nécessité de garder des Mohicans pour qu’ils soient des véhicules de mémoire ».

J’ai dû l’entendre dire au moins quatre ou cinq fois lors des changements de ministres de la Culture : « je suis la CGT des châteaux… ».

Mais sa vie il la voit comme « des moments de grande incertitude, compensée par de grands bonheurs » cette démarche, dit -il, « n’a de sens que vers les autres ». De même qu’il a la sagesse de tenir sa vie de famille en équilibre. Tout cela dit-il « ne doit pas devenir obsessionnel ».

Au revoir Monsieur, longue vie à la Demeure Historique et à bientôt sur les chemins du Patrimoine : en Lorraine ou ailleurs.

Alain de la Bretesche,
Président de Patrimoine-Environnement