Vigilance orange à la « Butte Rouge » de Châtenay-Malabry

Nous avions précédemment évoqué le projet de « rénovation » de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry, face auquel nous avions alerté sur les problèmes qu’engendrent ce projet du fait de la démolition envisagée d’une importante partie de cette cité-jardin du XXème siècle.

Dominique Masson, secrétaire général de notre Fédération, n’hésitait d’ailleurs pas à introduire son article par la célèbre phrase de Victor Hugo « Guerre aux démolisseurs ».

Rue du Général Duval 1935-39 toiture terrasse et une dissymétrie maîtrisée marque typique du mouvement moderne en architecture photo. B.Gutglas

Et pour cause… Cette cité-jardin est un témoin tout à la fois de l’histoire du logement social en France et un modèle d’urbanisme et d’architecture conjuguant brique et béton armée, de renommée internationale. Cette ville à la campagne s’était d’ailleurs vu décerner en 1990 le label Patrimoine du XXème siècle, une reconnaissance certes, mais d’une portée symbolique n’emportant aucune garantie juridique de conservation.

Ainsi, lorsque le maire entreprit un projet comprenant une série de démolitions-reconstructions de la cité-jardin, sous couvert d’un plan de rénovation urbaine, en invoquant que les logements n’étaient « plus adaptés » et dans le but de « remettre la mixité dans la cité » (ici entendu comme la vente des logements sociaux à des acquéreurs privés), nous nous étions mobilisés pour en saisir les pouvoirs publics afin que ce dossier ne tombe pas dans les abysses. Nous avons alors décidé, avec d’autres associations, d’adresser à la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, un courrier conjoint de relance en juillet dernier.

Le 20 octobre 2020, le cabinet du ministère nous a fait savoir que celle-ci était sensible à nos préoccupations et que le ministère de la Culture « tenait pour indispensable le classement de ce quartier en site patrimonial remarquable ». En vue d’un tel classement, le cabinet nous indique que « des réunions entre la direction régionale des affaires culturelles d’Île de France et l’ensemble des élus concernés sont organisées sur ce dossier ».

Rue Albert Thomas avec la tour signal 1931-33 architecture du style Bauhaus photo. Barbara Gutglas

Très bonne nouvelle donc qui amorce un pas vers la conservation demandée, mais un premier pas seulement !

Rappelons, en effet, que ce classement en « site patrimonial remarquable » par arrêté ministériel ne peut, selon le code du patrimoine, intervenir qu’avec l’accord de l’autorité compétente en matière de PLU (le maire) si celle-ci n’est pas à l’origine de la proposition. Ce n’est qu’exceptionnellement et à défaut d’un tel accord, que le site patrimonial remarquable (SPR) peut être classé par décret en Conseil d’État après avis de la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture.

Ainsi, si les concertations avec les élus municipaux ne sont pas concluantes (délibération défavorable du Conseil municipal de Châtenay-Malabry), le site pourrait tout de même être préservé grâce à cette procédure.

C’est pourquoi la Fédération reste en alerte notamment au regard du fait que la procédure de classement à titre de site patrimonial remarquable prend du temps et alors que le maire a fait voter en novembre 2019 la démolition de 15 bâtiments par le conseil d’administration de Hautes-Bièvres Habitat (désormais propriétaire de la cité-jardin de la Butte Rouge).

Le propriétaire a déjà commencé les démarches visant à faire partir les habitants de leur logement, dans l’optique de procéder par la suite à leur démolition.

Ainsi, sans action permettant de suspendre la démolition, le site sera dénaturé avant d’avoir été classé !

Soulignons enfin que la procédure de classement de la Butte Rouge en site patrimonial remarquable ne permet pas de suspendre les actions en cours.

Nous espérons donc vivement que les services du ministère de la culture, tant au niveau central (direction générale des patrimoines) que régional (direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France), sauront se mobiliser afin d’éviter la destruction de ce lieu emblématique, dont l’intérêt patrimonial est largement avéré.