Prolongation de la suppression du degré d’appel pour les autorisations d’urbanisme en zones tendues

Le décret n° 2022-929 du 24 juin 2022, inspiré par la Commission Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, prolonge la réduction du circuit juridictionnel et/ou le délai imparti pour juger certains litiges liés à l’urbanisme, à la satisfaction probable des acteurs de la construction a contrario des associations de protection du patrimoine et de l’environnement ainsi que  des magistrats, qui alertent sur des règles difficiles à appliquer. De plus, adopté sans consultation du public malgré ses incidences sur l’environnement, il étend la suppression du degré d’appel pour les contentieux portant sur plusieurs opérations d’aménagement.

Grue à tour potain, près de la place Gambetta, Bergerac (Dordogne, France)
© Cjp24

Ce décret modifie le Code de justice administrative et le Code de l’urbanisme.

Tout d’abord, il prolonge la suppression du degré d’appel pour certains contentieux en urbanisme concernant des permis de construire, de démolir ou d’aménager, situés dans une zone dite tendue lorsque le projet concerne trois logements et plus.

Il étend également la suppression du degré d’appel pour des contentieux liés :

–          d’une part, aux actes de création et d’approbation du programme des équipements publics des zones d’aménagement concerté (ZAC) portant principalement sur la réalisation de logements et qui sont situées en tout ou partie en zone tendue ;

–          d’autre part, à des décisions prises en matière environnementale relatives à des actions ou opérations d’aménagement situées en tout ou partie en zone tendue et réalisées dans le cadre des grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations d’intérêt national (OIN).

Les dispositions de ce décret entrent en vigueur le 1er septembre 2022 et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2027.

L’objectif est donc d’accélérer les constructions et projets d’aménagement afin de pallier le manque de logements dans certains territoires : en imposant d’une part, un délai maximal de traitement par la juridiction saisie et d’autre part, en excluant la voie de l’appel pour certains actes d’urbanisme portant sur des constructions et opérations d’urbanisme déterminées.

Ces dispositions interrogent l’effectivité du droit d’accès au juge et du droit d’exercer un recours effectif. N’est-ce pas également l’aveu de la suprématie du droit de l’urbanisme sur l’environnement ?

Le Conseil d’État a cependant statué sur la régularité du dispositif.

Selon le Conseil d’État, la suppression de la voie d’appel est justifiée par une différence de situation en rapport avec l’objet des dispositions en cause et n’est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. Le principe d’égalité selon lui, n’est donc pas méconnu ; les dispositions réglementaires se bornant à aménager l’organisation des voies de recours sans priver les justiciables de l’accès à un juge.

Il rappelle, en outre, qu’aucun principe ou qu’aucune règle ne consacrent l’existence d’une règle de double degré de juridiction qui s’imposerait au pouvoir réglementaire.

Il conclut « qu’en supprimant temporairement la voie de l’appel afin de raccourcir les délais dans lesquels sont jugés les recours qu’elles mentionnent, les dispositions litigieuses ont poursuivi un objectif de bonne administration de la justice, sans méconnaître aucun principe ni aucune disposition législative du code de justice administrative ».