Les labels « Capitale européenne de la culture » et « Capitale française de la culture » : complémentarité ou supplémentarité ?

Nous évoquions le mois dernier dans un de nos articles, l’ouvrage consacré aux labels dans le domaine du patrimoine culturel et naturel. Nous revenons ce mois-ci sur deux labels spécifiques : le label Capitale européenne de la Culture et le label Capitale française de la Culture, lancés au mois d’octobre dernier par la ministre de la culture et de la communication, Roselyne Bachelot. La proximité sémantique de ces deux labels invite à en questionner leur complémentarité ou leur supplémentarité.  

Le label Capitale Européenne de la Culture, prolongement du programme Villes Européennes de la Culture lancé en 1985, met chaque année à l’honneur des cités européennes. Selon la Commission Européenne, cet événement vise à valoriser « la diversité et la richesse des cultures européennes et les liens qui nous unissent en tant qu’Européens ».  Le dispositif assure la nomination annuelle de deux villes, l’une située en Europe de l’Ouest et l’autre en Europe centrale et orientale. Pour les villes candidates la délivrance du label représente l’opportunité de mettre en œuvre une stratégie de développement culturel urbain. Il s’agit pour les villes choisies, de fédérer autour de leurs images, l’ensemble des habitants en créant un sentiment d’appartenance. Le dynamisme culturel se veut comme un moyen de concilier l’endogène (les habitants) et l’exogène (les touristes) autour d’événements culturels générateurs d’une dynamique sociale, portée par les acteurs locaux et en lien avec l’offre en matière de culture et d’art.

Le succès des Capitales Européennes de la Culture a conduit la formule à se développer à tous les échelons. Il existe ainsi depuis 1998 les Capitales latino-américaines de la culture, mais également des capitales de la culture de l’Asie de l’Est qui sont désignées chaque année par les ministres de la Culture de trois pays : Corée du Sud, Chine et Japon. La ligue arabe a également créé le label « Capitale arabe de la culture » dans le cadre de l’UNESCO en 1996. On peut aussi noter l’existence, depuis 2006, du label « Capitale islamique de la culture », créé à l’initiative de l’Organisation islamique de l’éducation qui couvre non moins de trois continents : le monde arabe, l’Afrique et l’Asie. À l’échelon régional on trouve la capitale catalane de la culture. Roselyne Bachelot a annoncé le 20 octobre dernier le lancement de la capitale française de la Culture, un label national comme il en existe en Italie. Ce label sensé s’inscrire dans la continuité du label européen permettra de valoriser une ville française chaque année. Le label Capitale Européenne de la Culture est octroyé sur la base de projets conséquents moyennant souvent l’ouverture de nouvelles infrastructures à l’image du MUCEM à Marseille en 2013. Le label Capitale française de la culture semble davantage faire office d’une récompense. Le ministère de la culture explique qu’il a pour vocation « d’encourager, de valoriser et de soutenir les nombreuses collectivités qui font le choix de la culture pour dynamiser leur territoire. Il viendra mettre en lumière des projets ambitieux qui s’inscrivent dans une politique culturelle de long terme, touchant toutes les générations, en faveur de la vitalité culturelle de nos territoires. ». Ainsi là où le label européen peut être vu comme porteur d’une « nouvelle ère », point départ d’une stratégie de développement, pour les villes sélectionnées, le label français permet de donner une résonnance à des initiatives locales.

La culture, et plus spécifiquement le patrimoine, comme levier de développement territorial, est à l’honneur dans notre revue Patrimoine-Environnement n°199, le dossier s’attelle à mettre en exergue les différentes possibilités offertes aux communes. Selon Xavier Greffe, le développement territorial est « Plus qu’un système productif territorialisé, un territoire en développement est une stratégie collective qui anticipe les problèmes et sécrète les solutions correspondantes ». Une telle stratégie doit donc inscrire la politique dans le temps. L’un des problèmes fréquemment soulevés pour le label Capitale Européenne de la Culture est celui de la brièveté. En effet, pour les villes, le label est un événement. Pendant un an une programmation spéciale et festive est mise en place, pour ce faire les villes investissent (au sens humain comme financier) le secteur. La soutenabilité de ce processus est impossible. Cela explique la porosité de certaines analyses qui y voient davantage une instrumentalisation de la culture qu’une valorisation. La création du label Capitale française de la Culture ne semble pas tomber dans ce vice, il permet de gager la qualité des politiques culturelles menées dans la ville (l’octroi reposant sur des critères objectifs), mais également d’aider des petites et moyennes villes à promouvoir l’action culturelle de leur territoire. Il a donc la même vocation communicationnelle, mais s’inscrit dans une démarche bien différente de valorisation de l’action locale à l’échelle nationale et internationale.

Depuis 1985, lancement du programme Ville Européenne de la culture, quatre villes françaises ont été sélectionnées : Paris en 1989, Avignon en 2000, Lille en 2004, et Marseille en 2013, soit trois métropoles (Paris, Lille et Marseille) et une ville connue pour son dynamisme culturel. Le label Capitale Française de la Culture, participant d’une approche territoriale complémentaire, pourra donc témoigner, dans la continuité du label européen, de la pluralité culturelle urbaine des villes françaises.