Les associations, corps intermédiaires gardiens de la constitution

Le conseil constitutionnel a rendu cet été trois arrêts par application de la fameuse Charte de l’Environnement intégrée par le président Chirac dans le préambule de la Constitution.

Ce qui est intéressant, c’est que la procédure de Question prioritaire de constitutionnalité a été déclenchée par des associations ou groupements très divers.

Ainsi, l’initiative procède d’une action commune réunissant :

  • la fédération des syndicats d’exploitants agricoles qui se plaignait des contraintes prévues par la loi dans les aires de captage de l’eau potable,

  • l’Union Départementale pour la Sauvegarde de la Vie, de la Nature et de l’Environnement,

  • les Amoureux du Levant Naturiste,

  • G. Cooper-Jardiniers de la mer, mécontents de dispositions dérogatoires à la protection de sites intéressants la flore et la faune,

  • Enfin, l’Association France Nature Environnement qui n’avait pas admis la dernière réforme de la réglementation des établissements classés.

Le raisonnement des Sages de la rue Montpensier a été rigoureusement le même dans les trois cas :

Le Conseil rappelle tout d’abord les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’Environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Il réaffirme ensuite que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit et qu’il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.

Il donne à cet article du préambule de la Constitution une valeur constitutionnelle selon une jurisprudence ancienne bien connue.

La solution est en suite différente selon que les associations demandeuses critiquent une disposition législative ou réglementaire.

Les dispositions législatives :

Le Conseil estime que la loi du 12 juillet 2010, plus connue sous le nom de loi Grenelle 2, a défini dans quelles conditions le public doit être informé et invité à participer à l’élaboration de la loi environnementale.

Il s’agit de l’article L 120-1 qui prévoit que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement font l’objet, soit d’une publication préalable du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, soit d’une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause et dont la consultation est obligatoire.

Il constate ensuite, s’agissant des installations classées, que l’article 512-5 du code de l’Environnement a bien prévu une information du public par voie électronique mais qu’il a oublié de dire comment le public participe à la décision.

S’agissant de l’article L 211-3 du code rural qui consolide les réglementations des aires de captage de l’eau potable, le Conseil constate qu’aucune disposition du texte, n’organise la consultation du public.

Pour ces raisons ces dispositions législatives sont déclarées contraires à la constitution.

Les dispositions réglementaires :

Le code de l’Environnement, partie législative, en son article L 411-2 décide que les dérogations aux sévères interdictions protectrices de la flore et de la faune édictées par l’article L 411-2 (arrachages de plantes protégées, destructions de nids etc.) seront l’objet d’un décret en Conseil d’Etat.

Mais le décret ne prévoit aucune disposition d’information et de consultation du public car la loi, en l’espèce le code de l’Environnement, ne lui en fait pas l’obligation.

La sanction est donc que le dispositif de renvoi à l’autorité réglementaire est contraire à la Constitution.

Deux conclusions sont à souligner pour les associations :

  • Tout d’abord, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, d’empêcher les associations de s’inviter à la table de la consultation du public dès lors que, de près ou de loin, l’environnement sera en cause.

  • Ensuite, il est grand temps que le gouvernement organise une première concertation : pour fixer des règles cohérentes de la publication numérique et ensuite de la consultation du public, tant pour les matières qui concernent le Parlement que pour celles qui relèvent des autorités réglementaires nationales et décentralisées

Un vaste chantier s’ouvre !

Alain de la Bretesche
Secrétaire général de Patrimoine Environnement
Administrateur d’Europa Nostra

Ps : Nous avons selectionné ce qui concerne la vie associative et qui annonce des réponses en particulier aux questions posées par l’éditorial.

Pss : Par ailleurs, avec une certaine précipitation, le ministère de l’écologie (MEDDE) a ouvert une consultation numérique sur la plateforme de consultation présentant un projet de loi manifestement destiné à répondre point par point au Conseil Constitutionnel et faisant état de la volonté du Gouvernement de régler l’affaire par voie d’ordonnance. La Consultation est terminée, mais il y aura évidement beaucoup à dire sur la manière de faire …