L’Education Artistique et Culturelle en Bourgogne-Franche-Comté

Patrimoine-Environnement s’engage chaque année dans différents projets qui ont une portée pédagogique. Gérard Drexler, délégué régional de Patrimoine-Environnement et membre du Comité Régional du Tourisme de la région Bourgogne Franche-Comté, nous a accordé un entretien sur les actions d’Education Culturelle et Artistique dans sa région.

© Gérard Drexler

Patrimoine-Environnement : Quel est le processus de mise en œuvre de vos actions pédagogiques ? 

M. Gérard Drexler : Ces actions résultent d’une volonté de la délégation régionale d’être présente auprès des enfants. Il s’agit de s’inscrire dans une démarche qui soit connue et reconnue, en liaison avec le corps enseignant, le corps social, les collectivités locales et les représentants régionaux.

En partenariat avec la DRAC et le Rectorat, notre délégation s’est engagée dans le processus de l’Education Artistique et Culturelle (EAC). J’ai tout de suite accepté la proposition qui nous a été faite par les pouvoirs publics, à la condition que l’on puisse développer ces activités dans le respect des contraintes des différentes parties. Ce n’est pas chose aisée, car le calendrier des administrations n’est pas le même que celui des associations ; chacun a son rythme de fonctionnement.

Patrimoine-Environnement apporte son concours à la structuration des actions d’Éducation Artistique et Culturelle sur le territoire, mais également sur le plan méthodologique et dans le processus. Par exemple, nous mettons tout en œuvre pour faire intervenir des artistes et d’autres professionnels reconnus lors de ces chantiers. La réalisation de ces actions tient au rôle d’interface positif que nous jouons. Personnellement, je souhaite que le processus revête la forme d’un engagement triennal, partant du principe que la pédagogie, c’est la répétition. Il importe également d’assurer nos partenaires (Enseignants, DRAC, Collectivités) de la permanence de notre engagement.

Notre responsabilité couvre un champ relativement large. Elle va de la détection des associations en capacité de porter des projets, l’aide éventuelle à la formulation des propositions, la validation des projets, l’aide à la rédaction des CERFA, leur consolidation régionale, leur portage et leur défense auprès de la DRAC, la négociation des subventions puis leur répartition, le suivi des chantiers et des résultats obtenus, la vérification et validation des dépenses et les comptes à rendre à l’administration régionale, chantier par chantier.

© Gérard Drexler


P-E : Quelles actions pédagogiques sont mises en place dans votre région de Bourgogne-Franche-Comté ?

G.D : Nous avons environ 15 chantiers par an ; cela nous permet de toucher (selon les années) entre 1800 à 2200 élèves chaque année. Nous parvenons à organiser ces actions tout en maîtrisant les coûts qu’elles nécessitent. Ils  semblent  être moins élevés que ceux qui sont normalement engendré dans le cadre de l’EAC par d’autres porteurs de projets. C’est la conséquence directe du bénévolat non valorisé (officiellement, même s’il est indiqué dans les CERFA).




Les chantiers touchent à de nombreux domaines, admettant tous des particularités : l’énergie, la nature, la musique, l’histoire, le patrimoine, la culture ou l’environnement des enfants… Par exemple : A Fleurey-sur-ouche ce sera : Cycle et usage de l’eau en faisant intervenir … un sculpteur. A Guérigny ce sera : La révolution industrielle, histoire du site des forges royales avec des ingénieurs. Dans les Hautes-Côtes de Nuits-Saint-Georges ce sera : C’est écrit dans la pierre (Architecture, histoire locale, folklore, cuisine gallo-romaine,…) avec des archéologues. A Chamboeuf : Réduisons nos déchets. ASalins-les-Bains : Animation autour d’instruments anciens. A Marcigny : Vivre à Marcigny ; architecture, arts décoratifs, arts de la table, culture, gastronomie. A Gigny : Musique au moyen âge. A Nevers: Découverte de l’art roman : un héritage si proche !…

© Gérard Drexler

L’un d’eux a été particulièrement marquant – même si les autres l’étaient également à d’autres titres-. Il a été mené par une association avec des écoles se situant à proximité de Nuits-Saint-Georges. Nous avons réussi à mettre en action toute l’école (professeurs, élèves, parents) pour concevoir une réflexion sur l’art pictural : la peinture, les artistes… et bien évidemment, nous avons valorisé cela avec les enfants qui ont fait leurs propres dessins. Ils ont ensuite décidé de repeindre la cour de l’école. Les enfants se sont fait une école à eux ! Ils ont décoré leur cour d’école en se basant sur leurs dessins, encadrés par une artiste peintre professionnelle. J’ai trouvé leur travail extraordinaire car c’est vraiment beau. Ils ont du mettre en place une vraie logistique : associations, écoles et même avec les parents… répartis sur 10 communes ! Il a fallu  intégrer des classes de plusieurs niveaux et beaucoup d’enfants de provenances différentes…et où chacun a dû trouver sa place.

Ce genre d’évènement soude et valorise une communauté quel que soit l’âge. C’est beaucoup plus que la simple expression d’une pratique artistique. A travers tous les participants, c’est l’émergence d’une dynamique sociale  territoriale. Avec l’EAC on a crée des liaisons,  des relations nouvelles ou renforcées.

C’est en cela que ces chantiers EAC expriment  notre volonté d’inscrire nos actions dans une vision faisant de nous des  porteurs d’intérêt général ou mieux, d’intérêt commun. Leur  mise en œuvre a fait émerger un réseau qui n’aurait pas existé autrement. Ce sont les acteurs eux-mêmes qui, naturellement, par leur participation aux projets, génèrent de nouveaux réseaux relationnels, et ainsi construisent de nouveau liens entre habitants d’une même commune mais aussi, au sein de  communautés de communes.

© Gérard Drexler

P-E : Quels sont les enjeux de ces actions destinées aux enfants et au jeune public ?

G.D. : Il existe deux enjeux principaux, qui se complètent. Le premier, ce sont les enfants. Par l’EAC nous voulons leur donner toutes leurs chances pour s’ouvrir au monde, en diversifiant les apports grâce aux spécificités des associations en liaison avec les enseignants. Il existe, bien sûr, déjà des activités faites par ces enseignants mais, d’après leurs propres témoignages, les apports des associations et donc de Patrimoine-Environnement,  sont  une richesse complémentaire. Notre action doit permettre de créer une ouverture sur le monde, une prise de conscience par ces enfants de leur environnement, une transmission du patrimoine commun, des pratiques artistiques et un développement de leur créativité. C’est ambitieux, mais cette ambition trouve à se réaliser à travers les travaux menés par les associations qui travaillent avec nous ! Ces jeunes scolarisés ont, de cette façon, découvert leur commune, leurs lieux de vie avec beaucoup d’intérêt. Ils se sont réapproprié leur environnement. C’est d’autant plus important que cela répond au besoin de chacun de nous:  savoir qui nous sommes et où nous sommes. Plus on fait découvrir cette dimension aux enfants, plus ils seront à même de se situer dans leur vie présente et future.

Le deuxième enjeu est de démontrer que nous agissons et nous sommes engagés dans nos domaines avec une caractéristique sociétale unique et réelle. Aujourd’hui, c’est grâce à ce positionnement que nous arrivons à travailler en transparence avec les collectivités territoriales. Aussi, le dernier enjeu, c’est de pouvoir, au-delà de chaque chantier, exister, être apprécié par nos apports sur toutes nos activités futures et formuler des propositions qui se traduiront dans les faits à partir de nos valeurs.

P-E : Quel accueil reçoivent ces actions sur le territoire ?

G.D. :  Nous sommes bien sûr très intéressés par l’accueil que nous pouvons recevoir. J’essaie toujours de regarder ce qui ne va pas, dans le but de nous améliorer et de mieux correspondre aux attentes. Aujourd’hui la perception de notre engagement dans l’EAC est positif.

Cela s’explique certainement par le temps que nous y passons et le soucis de correspondre aux attentes de nos partenaires. Ces actions demandent beaucoup de travail et une disponibilité qui prend en  compte le décalage de fonctionnement des diverses parties. Le dossier ne peut pas être lancé pour l’année sans accompagnement par notre délégation. Chaque dossier débute au mois de mai-juin de l’année et se termine l’année d’après, au mois de septembre. A cela s’ajoutent les difficultés liées au financement des opérations. Aujourd’hui, le retour d’expérience confirme  la satisfaction des partenaires. La DRAC souhaite poursuivre ces actions, les enseignants également, les collectivités sont satisfaites : cette dynamique supplémentaire que nous apportons est reconnue. « Grâce aux associations nous avons un enseignement plus riche »: tel est le témoignage des enseignants. Reconnaissons que c’est plutôt agréable à entendre.

© Gérard Drexler

Lors de la proposition faite par la DRAC, j’ai pensé faire la liaison avec les Journées du Patrimoine de Pays et des Moulins car ces deux actions concernent les mêmes territoires ruraux à des intervalles de temps qui ne sont pas non plus éloignés. Un travail de cohérence était donc possible. Or, depuis 2017, nous avons engagé en Bourgogne-Franche-Comté, ce qu’on appelle « Les JPPM élargies ». Le principe consiste à étaler l’évènement dans le temps  afin d’attirer davantage de  visiteurs. Ces JPPM incluant l’Education Artistique et Culturelle ont été concrétisées de façon assez remarquable lors d’une opération qui a  fait venir 9500 visiteurs en élargissant le projet initial sur plusieurs mois et sur plus de 20 communes. Lors de la journée « conclusive » nous avions  la présence de nombreux responsables des collectivités et du Conseil départemental : ces élus avaient perçu les enjeux attachés à cette opération. Maintenant d’autres collectivités d’un département voisin ont décidé de s’y engager.

Cela prouve, pour répondre aux attentes actuelles, qu’il faut éviter de raisonner sectoriellement, mais au contraire, avoir des idées et des réalisations qui sont de plus en plus transverses (Certains disent  » Penser global, agir local »). Si les collectivités territoriales et les associations de la région accueillent favorablement Patrimoine-Environnement, c’est notamment parce que nous travaillons avec une vision aussi large et anticipatrice que possible, en favorisant l’intégration des points de vue divers et enrichissants et en ouvrant des horizons nouveaux.

Mais restons convaincus que rien n’est jamais acquis ; il faut prouver en permanence que nous sommes à l’écoute, conformes à nos valeurs, et en capacité de répondre aux évènements de tout genre dans notre région. C’est un travail permanent.

Gérard Drexler, délégué régional de Patrimoine-Environnement