EDITO : LE PATRIMOINE RELIGIEUX DES COMMUNES : UNE « SACRÉE » CHANCE ?

Eglise Notre-Dame de Béhuard, Maine-et-Loire.
© Patrimoine-Environnement

Depuis la loi de 1905, plus de 40 000 édifices cultuels en France sont la propriété des communes et parmi eux, seuls 15 000 sont protégés au titre des monuments historiques. Sans une action énergique pour les sauver, l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR) estime que 2 500 à 3 000 d’entre eux auront été abandonnés ou détruits d’ici 2030, faute de soins. Et combien d’autres resteront-ils le plus souvent fermés, faute d’officiants et de fidèles ?

Pour les maires de petites communes, la facture de rénovation de leur patrimoine religieux est énorme, hors de portée de leurs modestes budgets. Et si l’on rapporte cette facture au nombre de fidèles, le coût unitaire paraît encore plus exorbitant.

Pourtant, depuis de nombreuses années, à l’initiative de notre ancien président Alain de la Bretesche et de notre actuel président-délégué Benoit de Sagazan, notre Fédération tirant tout à la fois la sonnette d’alarme sur l’état du patrimoine religieux, se mobilisant avec d’autres pour éviter des abandons et des destructions irréversibles et, la première, donnant des raisons d’espérer par la révélation d’initiatives locales trop peu connues, a contribué à ouvrir les yeux des décideurs publics sur la valeur inestimable d’un patrimoine qui est autant spirituelle qu’architecturale et sociétale.

Le Sénat, défenseur infatigable du patrimoine de notre pays, le 6 juillet 2022, a adopté un remarquable rapport d’information sur le sujet. Nous avons été auditionnés deux fois par les rapporteurs.

Le Chef de l’Etat, d’abord au Mont-Saint-Michel en juin dernier puis à Semur-en-Auxois en septembre, a fait siennes nombre de préconisations de la Haute Assemblée, annonçant une campagne tout à fait bienvenue de protection des églises – y compris celles du XIXe et XXe siècles – dans les communes de moins de 10 000 habitants, une mobilisation de crédits de soutien local par les préfets ainsi qu’une collecte nationale visant à lever 200 M€ en 4 ans, encouragée par une incitation fiscale forte (un crédit d’impôt de 75 %, dans la limite de 1000 € par an), sans oublier le fléchage de 10 % des sommes pour assister la maîtrise d’ouvrage des communes.

Que demander de plus ?

Tout simplement que les églises continuent à vivre « au milieu du village » ! Empêcher de mourir est en effet une chose, faire vivre en est une autre. Et c’est toute la question des « usages partagés » auxquels le discours du Chef de l’Etat fait également référence.

Une église, étymologiquement : l’assemblée du peuple, est faite pour être ouverte au public, pour servir le bien public et pour être d’accès gratuit.

C’est donc non seulement un repère incontournable dans le paysage communal mais aussi par nature, un lieu d’accueil et de rassemblement.

Le prêtre qui est l’affectataire exclusif de ce patrimoine devra toujours avoir le dernier mot sur les usages autres que cultuels, mais ces usages que l’on voit se développer un peu partout en France, montrent toute l’étendue des possibilités que de tels lieux ouvrent au service du bien commun.

Au début de cette année, notre président délégué, exemples à l’appui, les a brillamment exposés lors d’un web atelier que je vous encourage à voir, ou à revoir.

Citons-les dans la richesse de leur étendue : usages spirituels, usages mémoriels, usages éducatifs, usages culturels, usages touristiques, usages sociaux, usages caritatifs et usages liés à l’urgence.

Et la méthode, désormais éprouvée, pour progresser est toute simple : partir de l’ADN du lieu et des besoins de la population ; réunir tous les acteurs concernés et conclure tout accord par une convention gardienne de l’usage cultuel.

Aucune modification de la loi n’est requise : il faut simplement réunir hommes et femmes de bonne volonté autour de l’adoption de ces usages qui, parce qu’ils serviront le bien commun, concourront à faire vivre, et même à faire revivre, les églises ; le tout en renforçant la cohésion sociale !

Loin d’être un simple fardeau budgétaire pour les communes, le patrimoine religieux local peut ainsi devenir pour elles une « sacrée » chance !

Christophe Blanchard-Dignac,
Président de la Fédération Patrimoine-Environnement