Un guide pour sauver le patrimoine à destination des maires

Le 28 janvier dernier, la fédération Patrimoine-Environnement était auditionnée devant la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Tout le monde s’accorde aujourd’hui, et il n’aura pas fallu attendre l’épidémie et ses effets désastreux sur l’économie du secteur concerné pour s’en apercevoir, sur le rôle prépondérant que doivent tenir les maires dans la valorisation et la restauration du patrimoine de leur commune (41 % des monuments historiques français appartiennent aux communes contre 4 % à l’Etat).
Une nouvelle orientation des politiques semble ainsi se profiler que nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux.

Eglise Saint-Macoux et sa place, église homonyme du village dans le département de la Vienne, datant du XII et XVème siècles © JLPC
Un vade-mecum du patrimoine à l’attention des édiles

La délégation aux collectivités territoriales a émis le 13 mai dernier sous la plume de Madame Sonia de la Provôté, sénatrice du Calvados et de Monsieur Michel Dagbert, sénateur du Pas-de-Calais, un rapport d’information portant sur « Les maires face au patrimoine historique architectural : protéger, rénover, valoriser » qui s’annonce comme un guide à l’usage de ceux-ci.

Il énonce, selon une démarche construite en trois étapes, 1- Identifier et connaître le patrimoine à protéger et valoriser, 2 – Identifier les acteurs capables de fournir l’ingénierie, 3 – Mobiliser les financements disponibles auprès des acteurs publics et privés, pas moins de 36 mesures de divers ordres à mettre en œuvre via les maires.

Il aborde tous les aspects relatifs aux possibilités d’action des maires :

  • sensibilisation des jeunes générations aux enjeux du patrimoine via notamment les programmes scolaires, encouragement des Français au « patriotisme patrimonial et culturel »,
  • promotion d’opérations de réhabilitation du bâti existant, inscription des interventions menées sur le patrimoine dans un projet de territoire, implication de l’agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) dans le domaine du patrimoine,
  • utilisation du plan local d’urbanisme (PLU) ou du PLU intercommunal (PLUi) comme outil de préservation et de valorisation du patrimoine, développement local, porté par les maires, d’un inventaire national du patrimoine protégé et non protégé en collaboration avec l’inventaire régional et les associations de protection,
  • mobilisation des DRAC/ABF et des CAUE pour le soutien aux petites communes (conseils, formations, assistance à maîtrise d’ouvrage …),
  • promotion de nouveaux usages du patrimoine historique communal et développement de projets innovants et hybrides,
  • sur le plan des moyens financiers, renforcement dans les prochaines lois de finances les moyens dédiés au Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes, incitation des maires à solliciter tous les canaux possibles de soutien financier et technique (départements et régions, Banque des Territoires, fondations et des associations de protection du patrimoine et à recourir au mécénat via notamment des plates-formes de financement participatif,
L’implication indispensable des acteurs du patrimoine

Toutes ces mesures sont évidemment pertinentes et bienvenues et résultent de l’audition de nombreux acteurs, notamment du milieu associatif, parmi lesquels la Fédération Patrimoine-Environnement.
Lors de l’audition, nous avons mis l’accent sur certains points réclamant réflexions particulières et mobilisation urgente, tels qu’ainsi :

  • L’état précaire des patrimoines locaux (23 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état et un certain nombre sont en situation de péril grave), gérés le plus souvent par de petites communes rurales ne disposant pas des moyens nécessaires à leur préservation ; nous avons insisté sur le soutien, sous toutes formes nécessaires, de l’ensemble des acteurs publics et de la société civile non seulement pour l’engagement ou l’accompagnement des chantiers de restauration, mais aussi particulièrement, sur la nécessité d’un encouragement à l’entretien de ces patrimoines qui faisant défaut, conduit à un surenchérissement des opérations.
  • Le cas particulier du patrimoine religieux (églises) en voie de délaissement voire d’abandon faute ici aussi de ressources suffisantes et qui, au-delà de telles disponibilités nécessaires, devra résolument s’orienter vers des associations (avec maintien de pratique religieuse) ou des reconversions d’usage à programmer par voie de conventions avec les communes et de co-gestionnaires.

« Les églises qui ne sont ni classées ni inscrites risquent d’être démolies. Pourtant, quantité d’idées sont à mettre en place, et il faut que les évêchés soient prêts à faire évoluer l’affectation des églises. »

Hubert Courseaux, président du CAUE du Calvados (Conseil en architecture, urbanisme et environnement).

  • L’importance d’une inscription du patrimoine dans la conduite et le développement des politiques publiques à tous les niveaux, depuis l’aménagement du territoire jusqu’à la gestion locale de l’urbanisme via les PLU et SPR.

À la lecture de ce rapport, nous ne pouvons que souligner la rigueur avec laquelle il a été conduit et son souci d’exhaustivité vis-à-vis des auditions effectuées. Nous avons pu y remarquer en particulier, pour la première fois, la présentation de données globales et fiables quant à l’état actuel des protections patrimoniales.

Espérons donc qu’un tel rapport ne restera pas lettre morte et que toutes les mesures proposées seront suivies d’effets et fédéreront une coopération générale tant attendue entre pouvoirs publics et société civile. Nous nous y emploierons activement.

Dominique Masson,
Secrétaire général de Patrimoine-Environnement