Projet de parc éolien entre Yeu et Noirmoutier, une enquête publique superflue

Alors qu’un doute planait sur le maintien du projet du fait de la renégociation par l’État des tarifs de rachat de l’éolien en mer, le 20 juin dernier le président Emmanuel Macron confirmait la réalisation polémique d’un parc éolien offshore entre les îles d’Yeu et de Noirmoutier.
Le projet prévoit d’installer 62 éoliennes sur une surface de 83 km², pour une ouverture prévue en 2024 selon Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la transition écologique.

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Suite à cette décision, et comme exigée par la charte environnementale (issue de la Convention Internationale d’Aarhus), une enquête publique a été menée afin de prendre l’avis des citoyens concernés par cette décision ayant une incidence sur leur environnement.
Le résultat de l’enquête est sans appel : 76% de la population consultée s’oppose au projet. Mais malgré la très forte opposition, la commission d’enquête a donné un avis favorable à l’unanimité !

Malgré les 50 jours d’enquête et les 1820 observations recueillies par la commission, composée de cinq commissaires, il semblerait que l’enquête ait implicitement été considérée comme une simple formalité. C’est à se demander si les enquêtes publiques servent réellement à quelque chose.

En effet la commission avait déjà son avis bien tranché sur l’enquête puisque l’envoi (par mégarde) d’un mail très critique d’un des membres de la commission aux opposants, transmis par erreur, révèle bien l’image que la commission a des antagonistes au « QI qui n’est pas celui du géranium ».

Un cruel manque d’impartialité et de neutralité est ici révélé. D’autant plus que la commission d’enquête précise à la page 13 du rapport : « Si les avis défavorables sont de loin les plus nombreux, les contributions montrent que peu de participants disposaient d’une bonne connaissance du dossier et qu’un nombre élevé de leurs observations n’étaient pas argumentées ou portaient de purs et simples jugements de valeur sur le projet dans son ensemble ». Pourquoi leurs avis ont donc été demandés ? Pour respecter la procédure sans doute.

Plus grave encore, au titre du respect de la déontologie des commissaires-enquêteurs, peut être estimé ce fâcheux «  incident que la commission d’enquête reconnaît comme maladroit et regrettable » qui enlève toute crédibilité quant à l’impartialité réelle de la commission d’enquête.
La position de la commission d’enquête met en doute la pertinence des observations déposées et va effectivement jusqu’à en déplorer l’aspect polémique « qui ne méritait pas à son égard les déchaînements médiatiques (presse, réseaux sociaux) et jugements de valeur dont elle a fait la preuve dans les jours qui ont suivi. »
Un tel comportement frise un manquement à l’éthique du commissaire-enquêteur !

Que penser plus encore du fait que l’un des membres de la commission d’enquête n’était autre que la présidente de la Compagnie Nationale des Commissaires-Enquêteurs (CNCE) éditrice d’un récent « Guide de l’enquête publique » dans lequel on peut trouver moult conseils ayant notamment trait au comportement du commissaire-enquêteur, sa discrétion, son indépendance, son impartialité … ?

Non, décidément, ce fait n’est pas qu’un incident maladroit et regrettable, surtout intervenant dans un contexte déjà exacerbé et au regard de l’écrasante majorité des oppositions exprimées (les ¾ !). Il s’agit bien d’un manquement caractérisé à l’éthique qui pourrait atteindre la régularité de la procédure.

Ce que révèle bien ce type d’affaire, c’est le simulacre de démocratie participative qu’il recouvre. À bien étudier le dossier, en effet, les jeux étaient déjà fait par voie législative au moins sur les 6 lieux d’implantation de parcs éoliens offshore.

Il ne pouvait donc être question par exemple de choisir une implantation plus au large. Seules éventuellement, la quantité d’éoliennes et leur position interne pouvaient donc être adaptées.
Le paradoxe en la demeure est que de nouvelles technologies sont à l’expérimentation d’éoliennes flottantes qui devraient être mises en œuvre dans les prochaines années et permettraient une telle implantation plus au large. Ne s’agirait-il donc, alors, que de répondre à des engagements de délai ?

Précisément, le Code de l’environnement ne dispose-t-il pas que toute évaluation environnementale  (étude d’impact) doit comporter une analyse de variantes de laquelle ressort la justification du choix de la solution retenue ?

Dans cette mesure, toutes les phases antérieures de concertation (dont le Débat Public) étaient foncièrement biaisées et leur objet contraint. Comment une enquête publique pouvait-elle dès lors s’insérer valablement dans le processus décisionnel ?

Dans son communiqué de presse, le collectif « Touche pas à nos îles » invite l’ensemble des citoyens à prendre connaissance de ce rapport « qui montre l’arrogance des commissaires enquêteurs à l’égard des citoyens qui sont l’essence de la République ».

La transition énergétique doit se faire, c’est une évidence. Mais le elle doit dans le respect de la démocratie !
D’autant plus que l’île de Noirmoutier a déjà une magnifique vue depuis sa côte nord-est sur un parc éolien d’une quarantaine d’éoliennes. L’objectif est-il d’entourer l’île de ces immenses poteaux à pales ?

Dès lors, il ne serait pas étonnant qu’une action contentieuse suive la probable décision d’autorisation de ce parc et il appartiendra au juge de trancher. Espérons que lui au moins se prononcera, certes au regard de l’intérêt public, mais en toute impartialité !


Pour aller plus loin :

Rapport du 13 août : http://www.vendee.gouv.fr/IMG/pdf/conclusion_et_avis.pdf

Article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 : Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Extraits du « Guide de l’enquête publique »