Il n’est pas besoin d’être un analyste formé à Sciences-Po

Il n’est pas besoin d’être un analyste formé à Sciences-Po pour prédire que la question des énergies renouvelables sera au cœur de la campagne présidentielle à venir. Il n’appartient pas à une fédération comme la nôtre de suggérer des choix aux futurs gouvernants entre le recours à l’énergie nucléaire, ou au développement de celles dites « renouvelables » de grande ampleur, afin de satisfaire aux besoins de nos contemporains progressivement privés de la manne des charbons, pétroles et gaz dite « fossiles », même si ce n’est pas parfois l’envie qui nous en manque ! 

Nous avons cependant été reconnus d’utilité publique et agréés pour la défense de l’environnement parce que notre objet social qui comporte la défense du Patrimoine historique de la France, de son environnement et des paysages, nous en fait le devoir.

Il se trouve que la classe politique paraît avoir compris que la prolifération des éoliennes dans le ciel national était de plus en plus insupportable pour les habitants de ce pays qui y voient une atteinte grave aux paysages qui concourent à leur identité.

Dans le cadre, très gaullien, de notre Ve République qui privilégie le rapport direct entre le Président et le peuple, on pourrait avoir l’impression que cette inquiétude, parfois cette blessure, en tous cas cette violence, est entendue au sommet de l’État d’une manière assez constante voire continue :

  • À Pau, Emmanuel Macron parlant devant François Bayrou, celui qu’il allait charger du nouveau commissariat au Plan, déclarait le 16 janvier 2020 :

« Par la capacité à développer le solaire et l’hydraulique, on a deux réserves formidables de ce qui est un modèle français du renouvelable. Et je le dis ici en toute amitié car soyons lucides là aussi la capacité à développer massivement de l’éolien, faut être lucide, elle est réduite… Le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays. Il y a l’éolien « offshore » que l’on a développé et relancé très fortement. Mais de plus en plus de gens ne veulent plus voir de l’éolien près de chez eux, qui considèrent que leur paysage est dégradé… il ne faut pas l’imposer d’en haut. »

  • Aux Îles Marquises, en juillet 2021 au micro de France Info :

« Il ne faut pas tomber dans la caricature. Il y a des endroits où l’on pourra encore faire des projets d’éoliennes parce qu’ils sont adaptés et pertinents… Là où l’éolien provoque trop de tension, dénature et défigure nos paysages, il faut savoir y renoncer je ne veux pas que l’on abîme nos paysages… C’est une partie de notre patrimoine et de notre richesse profonde, de notre identité. »

  • Le 15 septembre à Illiers-Combray, devant un groupe de lycéens  en présence du préfet et de Stéphane Bern (information confirmée par le Parisien édition d’Eure-et-Loir), il surenchérissait :

« Aucune éolienne ne devrait se construire si le conseil municipal s’y oppose… »

« In principio erat verbum » disent les écritures et notre Président sait à merveille se servir du sien.

Sans faire une exégèse tendancieuse de ces propos, il est légitime d’en conclure que le Président, sans renoncer à toute éolienne, entend la plainte des citoyens qui n’en veulent plus, Il estime que l’on  doit mettre ces aérogénérateurs dans les endroits appropriés et renoncer à en installer là où la tension sociale est trop forte. Il dit que rien ne doit être imposé d’en haut et il trouve que le bon moyen pour arriver à une forme de conciliation est de permettre aux conseils municipaux de s’y opposer.

Ce gouvernement du verbe conciliant est relayé avec une certaine dose de mauvaise foi par des organismes semi officiels tels les membres d’un collectif qui s’intitule : “ Paysages de l’après pétrole ” composé d’anciens hauts fonctionnaires et de chercheurs. Ce think tank renvoie dos à dos «  d’un côté la hautaine certitude de ceux qui connaissent la martingale planétaire ou nationale pour assurer l’avenir de l’espèce humaine, de l’autre le repli anxieux dans un cocon dont on croit devoir défendre les acquis confortables, aujourd’hui remis en question ».

En définitive, il ne s’agit plus d’appliquer la Convention européenne du paysage à la France, mais d’adapter celle-ci à un horizon empli de mâts éoliens !

Les éoliennes “offshore” de la Baie de Saint-Brieuc

Cependant, au-delà des mots, qu’est-il accordé à l’esprit de conciliation des membres de la société civile qui veulent se montrer raisonnables ? Les éoliennes « offshore » de la Baie de Saint-Brieuc en sont un bon exemple.

Le 16 juin 2021, la Commission Supérieure des Sites, Perspectives et Paysages, dont les avis sont très respectés habituellement par le gouvernement, s’est penchée sur la question des projets “offshore” du ministère et rend un avis modéré et bien balancé adopté à l’unanimité de ses membres y compris ceux représentant l’État.

Aux termes de cet avis, qui définit avec précision ce qu’est un paysage en mer à partir du trait de côte, la commission recommande de ne pas bâtir de champs éoliens trop près des côtes la visibilité paysagère étant d’environ 70 km, et considère à cet égard que les projets en cours notamment, celui de la Baie de Saint-Brieuc, n’ont pas tenu suffisamment compte des exigences paysagères et environnementales.

En définitive : “ La Commission estime que la transition énergétique ne doit pas conduire à porter gravement atteinte au littoral français dont la valeur paysagère, artistique, mémorielle et touristique est au premier plan en Europe, sous peine de remettre en cause plus d’un siècle d’efforts constants de protection du littoral par l’État. ”.

On eut pu penser que devant un tel avis, l’État pouvait abandonner le projet. Dès lors que le Conseil d’État, dans un arrêt de juillet 2019, avait annulé le choix de l’entreprise qui avait remporté l’appel d’offre, il eut été facile de respecter l’avis circonstancié de la commission en particulier quant à la distance de la côte (16km500 dans le projet initial).

En réalité, le bras de fer entre le comité des pêches, les promoteurs et l’administration va donc s’enliser devant le juge pénal, une enquête préliminaire ayant été ouverte pour vérifier la régularité de l’attribution du marché…

« Là où l’éolien provoque trop de tension, dénature et défigure nos paysages, il faut savoir y renoncer… » disait le Président !

La politique Pompili

À la suite d’une affaire qui avait fait grand bruit en Touraine, le préfet avait passé outre les délibérations de tous les conseils municipaux concernés par un projet éolien, les associations composant le G7 Patrimoine avaient proposé au Sénat que la loi donne un droit de veto aux maires des communes d’implantation. Le gouvernement, par la voix de madame Pompili, s’y est opposé et a fait rejeter l’amendement par la commission mixte paritaire.

Le Président avait dû mal lire la loi qu’il a promulguée ; n’a-t-il pas dit : « Aucune éolienne ne devrait se construire si le conseil municipal s’y oppose… »

Le dernier avatar du débat parlementaire est issu d’un décret de la même madame Pompili qui paraît jouer le jeu de la conciliation et du compromis vis-à-vis de la foule, de plus en plus nombreuse des opposants aux “grands oiseaux blancs”. Il ne s’agit plus de réaliser des compromis pour déplacer les éoliennes dans des zones qui permettent le respect du patrimoine, ou de renoncer à des projets manifestement « hors des clous », mais d’acheter les communes, tels les grands partis américains du début du XXème siècle, qui payaient les électeurs à l’entrée des bureaux de vote. Le ministère de l’écologie créé à cette fin, un fonds financé par une taxe sur l’électricité produite par l’éolien pour accorder des subventions au  Patrimoine des communes qui auront  été sages et auront accepté l’implantation d’éoliennes sur leur territoire.

La république bananière n’est pas loin !

Le verbe ne suffit donc pas, d’autant que l’on peut craindre que les éoliennes soient le hochet laissé aux écologistes pendant que le gouvernement s’occupe de choses sérieuses… le nucléaire.

Décidément, comme l’a écrit dans la dernière livraison de “ l’actualité juridique droit administratif ”, madame de Montecler, experte en analyse des textes : “un vent mauvais souffle sur les éoliennes”. 

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