Enquête : Quelle réouverture pour les musées de Bourgogne-Franche-Comté ?

Les inquiétudes de plusieurs musées exprimées à la suite des mesures nationales de lutte contre la COVID-19 ont conduit la Délégation régionale de Bourgogne-Franche-Comté à lancer une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 126 musées afin d’avoir une vision sur les difficultés, mais aussi les besoins. Le taux de réponse exceptionnel de 86,5 %, témoigne de leur désir évident de s’exprimer et de faire part de leurs inquiétudes, de leurs attentes, et de leurs aspirations. 

La richesse des résultats tient non seulement à un taux de réponses rarement atteint, mais aussi à la diversité des répondants, par leur statut, leur taille, leur type d’activités, leurs équipements, leur attractivité. De plus c’est, à notre connaissance, la seule enquête qui se soit adressée à tous ces musées. Les contacts directs avec plus de 90 % des répondants nous confortent sur notre absolu devoir de ne pas négliger ceux que l’on pourrait qualifier de « petits musées ». Forte est la tentation centralisatrice de s’intéresser aux grands porteurs culturels « en agglomération » et d’oublier les territoires ruraux ou de bourgs et petites villes qui paraissent moins essentiels parce qu’ils sont moins identifiables, moins connus et sans relais réel. 

Qui sont-ils ?

L’éventail des « répondants » couvre une étendue très large allant des grands musées comme ceux de Dijon, Besançon, Belfort, Sens, Bibracte… à des musées plus modestes, voire de petits musées. Sur l’ensemble, la fréquentation moyenne est de 15 000 visiteurs par an. Notons que 74% sont situés dans des communes rurales ou dans de petites villes ayant moins de 20 000 habitants. Avec une moyenne de 8 700 visites annuelles, ils accueillent la moitié des visiteurs de l’ensemble recensé. Enfin, pour compléter la présentation, il faut savoir que 55 % sont dans des communes inférieures à 5 000 habitants et accueillent 33 % des visiteurs..

Ainsi, ils sont très fortement présents dans les territoires ruraux. Nous sommes en présence d’un équipement culturel qui est, hélas, trop peu intégré dans une vision de développement rural. Or, l’enquête montre qu’avant la crise sanitaire, les sites « ruraux » enregistraient des hausses significatives de fréquentation. 33 % avaient une fréquentation en hausse et 86 % étaient en hausse ou stables. Il conviendrait de regarder davantage ces musées comme des pôles culturels, patrimoniaux et artistiques, faisant partie des moyens de valorisation pour aider au développement économique rural.

Quel impact de l’année 2020 ?

Tout d’abord, ils enregistrent une nette baisse des revenus provenant des entrées. Elle oscille entre 50 % pour les grands musées et 60% pour les plus petits, quel que soit le statut, public, associatif ou privé. 

Plusieurs musées ont dû mettre leurs activités en sommeil pour éviter la fermeture définitive. Les deux tiers étant tournés vers les écoles, les mesures restrictives appliquées aux scolaires ont nettement mis en danger plusieurs d’entre eux. Une faible part a recouru au chômage partiel, principalement des musées associatifs.

Après l’inquiétude de mars 2020  qui reste présente aujourd’hui, chacun a cherché à sauver son activité, quel que soit son statut : dans la discrétion, les équipes de musées ont réalisé un remarquable travail pour maintenir une activité en 2020, en tentant aussi d’anticiper sur ce que sera 2021. Aussi, plusieurs témoignages font état d’une grande fatigue physique et intellectuelle de tous, personnels et encadrement, qu’il sera nécessaire de prendre en compte si l’on veut pouvoir s’appuyer sur ces forces opérationnelles de notre culture.

Des inquiétudes…?

Pour les musées associatifs et privés, vient en premier lieu la crainte d’une fermeture en l’absence de visibilité sur 2021. Un musée évoque 100 % de pertes financières, ayant dû réaménager ses horaires et ouvrir gratuitement pour attirer un plus grand public. 

En second, le peu d’aide de la Région laisse dubitatif plusieurs musées associatifs sur l’intérêt qu’ils représentent pour ces responsables. La crainte d’un désengagement de l’État auprès des collectivités territoriales accentue cette préoccupation concernant l’incidence de ces mesures sur les subventions et les budgets culturels.

Puis, viennent les impacts de la fermeture d’autres lieux de convivialité comme les cafés, restaurants, hôtels essentiels et de l’absence des manifestations rurales (marchés, vide-greniers, foires, fêtes locales, concerts…) qui ont écarté de possibles visiteurs .

Des mesures immédiates…

 Ils ont principalement besoin:

  • pour 15% d’aides au maintien des emplois, pour faire face à la reprise espérée en 2021 ;
  • pour 55% d’aide en matière de communication, notamment pour être relayés sur les réseaux sociaux et sur des plateformes officielles et auprès du grand public ;
  • pour 13% d’ aide scénographique ;
  • pour créer un lieu de partage et de coaching qui ne semble pas exister.

Des mesures  organisationnelles attendues

Bien évidemment les premières mesures sont les mesures barrières d’aujourd’hui auxquelles s’ajoutent les points suivants :

1- Sur le fonctionnement :

  • Les contraintes étant différentes selon les musées une différenciation des mesures est nécessaire pour une adaptation concrète conforme aux situations de chacun. Les mesures gouvernementales ne peuvent tenir compte de la multiplicité des situations. Il faut donc, dans un cadre général, déconcentrer les mesures au niveau préfectoral, voire des sous-préfectures. Une ouverture réussie passera par la mise en œuvre délocalisée, adaptée, sur des objectifs partagés. 

2 -Il faut de la lisibilité et de l’anticipation :

  •  Il faut disposer de tous les éléments comme « si on ouvrait demain ». Cette anticipation sera d’autant plus facile que le pilotage sera délocalisé.

3  – Il faut des  mesures  immédiatement opérationnelles pour sauver 2021 :

  • Développer de suite la fréquentation par les groupes scolaires. Une liaison avec l’enseignement devra être organisée, comme cela est pratiqué dans le cadre des opérations d’Éducation artistique et culturelles à l’école (EAC) ;
  • Engager un travail sur le fléchage des musées notamment mettre des panneaux directionnels sur les voies publiques ;
  • Avoir un référent au niveau des collectivités dans les territoires où cela est nécessaire.

4 – Sur la communication :

  • Il est indispensable de disposer d’une communication plus structurée en incluant tous les musées. Le résultat en sera non seulement un « faire venir » plus important, mais aussi une animation des territoires ruraux avec des impacts économiques certains. Les responsabilités  sur le tourisme conjointement avec celles de la culture sont à penser  davantage en transversalité.

Une réflexion sur la pérennité des musées

L’enquête a révélé des fragilités qui sont accentuées par la crise sanitaire et qu’il faudra intégrer dans des visions de développement des territoires. 

Nombre de musées ont recours à des bénévoles, souvent âgés. Personnes à risque aujourd’hui dans le cadre de l’actuelle réflexion sur la pandémie, ils sont aussi des acteurs qui, à terme, ne pourront plus assurer le fonctionnement de ces structures, le plus souvent associatives. Il y a un besoin vital de trouver des porteurs plus jeunes. 

Certes, ce n’est pas le rôle réglementaire des collectivités de pourvoir au remplacement de cet encadrement, cependant il sera indispensable de trouver des solutions, sous peine de voir disparaître des associations culturelles comme on peut déjà le constater, donc aussi des musées. Au-delà de cette enquête, on rejoint la problématique finale qui est de maintenir le tissu des musées tel qu’il était avant la pandémie. Dans une réflexion sur des solutions possibles, il n’est pas impensable que des mesures nationales puissent venir inciter à cette orientation des plus jeunes. L’avenir est dans un changement de paradigme.

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Les musées sont une des clés de voûte du dispositif sociétal. Ils rapportent directement peu financièrement ; ils coûtent, mais ils sont un des piliers de la Culture et un levier indispensable pour l’attractivité touristique des territoires ruraux comme des villes de toutes tailles. Il est probablement temps de repositionner durablement la culture, le patrimoine, les arts qui ont toujours été, en toile de fond, les bases des civilisations.


Il faut rappeler que notre fédération, engagée depuis trois ans dans l’Éducation artistique et culturelle (EAC), aux côtés des enseignants, peut témoigner de la manière dont la compréhension du patrimoine, de la culture, des arts, participent directement à une évolution effective de la socialisation des jeunes, réalisée à travers les chantiers ainsi menés. Il suffit d’entendre leur témoignage pour comprendre l’importance et la solidité de la culture apportée par ces travaux de proximité associative.
Donner des références et un passé est essentiel pour tous, y compris pour des jeunes générations qui sont amenées à se chercher à travers des phénomènes de groupe, à défaut de se trouver un passé qui leur est proposé. Et pourtant, il est accessible tout près de chez eux par le patrimoine, la culture, l’histoire concrètement présents au sein des musées et des associations. Il ne faut donc pas abandonner ceux qui se dévouent pour faire vivre ces équipements culturels, mais au contraire les renforcer au cœur des territoires. Au-delà de les aider à passer une période sanitairement, humainement et économiquement difficile, cette enquête doit être l’opportunité de renouveler notre ambition et d’en faire un vecteur privilégié dans les activités de transmission intergénérationnelle.