ÉDITO – QUI SONT LES VRAIS ÉCOLOS ?

© LE BEAUSSET- village

Au dernier Salon du patrimoine culturel, la table ronde du G7 Patrimoine était consacrée au « modèle écologique patrimonial ». Ne serait-ce que parce qu’il a franchi les siècles, le patrimoine historique est en effet la démonstration, grandeur nature, de sa durabilité !

Mais, le modèle écologique que le patrimoine fonde est un tout qui va bien au-delà : c’est la beauté de nos paysages, c’est la matière de notre bâti ancien, ce sont les églises, les moulins, les halles, les parcs et les jardins publics, sans omettre, bien sûr, toute la force de notre patrimoine immatériel.

Si le public qui vient en nombre aux Journées du patrimoine de Pays et aux Journées européennes du Patrimoine en est bien convaincu, le monde de l’écologie en a-t-il autant conscience ?

S’interroger ainsi n’est nullement mettre en cause la réalité du changement climatique, ni refuser l’impérieuse nécessité de changer notre manière de consommer afin d’éviter des dommages irréversibles pour la vie sur notre planète, dont les plus fragiles seraient les premières victimes.

C’est en revanche partir du constat que sur plusieurs sujets essentiels, la fusion des ministères de l’environnement et de l’équipement, réalisée en 2007,  a eu pour effet collatéral de « couler » les défenseurs historiques de l’environnement « dans le béton » !

Il est loin le temps du « ministère de l’impossible », comme l’appela son premier titulaire Robert Poujade, en 1971, le départ de mon engagement pour l’environnement !

Prenons en deux exemples chers à notre fédération.

Le premier exemple est le refus obstiné des « techno-écologistes » de reconnaître que le DPE[1], tel qu’ils l’ont conçu, nuit gravement à la santé du bâti ancien parce que le logiciel qui le fonde – qui plus est manié par des diagnostiqueurs souvent fraîchement désignés – ignore superbement les spécificités du bâti ancien, construit avec des matériaux biosourcés, ventilé de manière naturelle et qui, parce qu’il n’est pas inerte, ne peut pas être « isolé » de son environnement.

Le trop peu écouté ministère de la Culture[2] n’arrive pas à arracher la solution de bon sens que les associations du patrimoine, soutenues par le Sénat, ont préconisée : instituer un « DPE bâti ancien ».

Comment manquer à ce point de bon sens environnemental en continuant à inciter à la dénaturation et à la destruction du bâti ancien !  Au lieu d’être amélioré, le bilan CO² résultant de cette erreur de diagnostic se trouvera dégradé. A ce stade d’incompréhension architecturale, ne faut-il pas chercher d’autres causes que le simple refus de reconnaître ses erreurs : peut-être aussi le poids des intérêts ?

Deuxième exemple : la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le projet de « PPE 3 », dont on attend toujours d’ailleurs l’adoption, est en l’état accompagnée d’une étude d’impact que je ne suis pas le seul à qualifier d’indigente. Si l’on en croit cette étude, par exemple, couvrir le littoral d’éoliennes en mer et construire les installations de raccordement sur terre qui en sont le corollaire indispensable seraient « neutres » sur le plan paysager !

Cette affirmation globale n’est évidemment étayée par aucune étude précise puisque la déclinaison régionale n’est pas d’actualité.

Et au moment où les paysages maritimes seraient ainsi gravement atteints – triste anniversaire pour les 50 ans du Conservatoire du Littoral – nulle trace d’une politique ambitieuse des paysages et des sites naturels, en bord de mer comme à l’intérieur des terres, qui en contrebalancerait les effets.

En 2019, le ministre a actualisé la liste indicative des sites majeurs restant à classer[3] : il y en avait 350. Depuis, le ministère en classe 3 à 4 par an. A ce rythme, il lui faudrait donc un siècle ! 

Au printemps dernier, les personnalités qualifiées de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages[4] se sont émues collectivement de cette lenteur incroyable, en même temps qu’elles dénonçaient l’insuffisance des études d’impact associées à la PPE, signant une lettre commune à la ministre du moment[5]. Aucune suite n’a été cependant donnée, sur le fond, à cette initiative commune.

De là à penser que le monde de l’écologie et celui du patrimoine auraient avantage à se mobiliser ensemble pour alerter l’opinion et le monde politique sur ces deux sujets, il n’y avait qu’un pas !

Cela ne sera pas possible car, alors même que toutes les associations défendent la même aspiration à une politique ambitieuse des paysages et des sites classés, les associations du patrimoine comprennent qu’il est interdit d’alimenter, de quelque manière que ce soit, le débat sur les énergies renouvelables.

Le sujet est sacré ! Tant pis pour les paysages et, si j’ose dire, laisse « béton » !

Alors, au vu de ces deux exemples, j’aurais envie de répondre à la question de départ : les vrais écolos, c’est peut-être nous !

Je vous invite à méditer sur cette réponse et je vous souhaite de passer d’excellentes fêtes, en reprenant des forces pour de nouveaux débats et de nouveaux combats patrimoniaux !




Christophe Blanchard-Dignac,
Président de la Fédération Patrimoine-Environnement


[1] Diagnostic de performance énergétique

[2] Auquel est rattachée la direction de l’architecture.

[3] Instruction du Gouvernement du 18 février 2019 (téléchargeable sur Légifrance)

[4] Parmi lesquelles des représentants associatifs du patrimoine et de l’écologie.

[5] Patrimoine-Environnement a signé cette lettre, datée du 23 mai 2025.