Conséquence de la crise sanitaire sur les « petits musées » en région

Notre délégué Gérard Drexler a mené une enquête auprès des musées de Bourgogne-Franche-Comté sur leur retour d’expérience pendant le confinement due au Covid-19.

Château-musée Colette et tour_Sarrazine, à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) © Espirat

L’analyse repose sur les 41% de réponses reçues à ce jour à un questionnaire envoyé le 5 mai dernier, réparties sur l’ensemble du territoire de la région.
Ce questionnaire s’est attaché à obtenir une photographie « administrative » des participants et de leur fonctionnement ainsi que des éléments relatifs à leur équilibre financier. Il a ensuite cherché à préciser les conséquences de la situation actuelle sur leurs activités et sur leurs attentes.

Sur leurs caractéristiques :

La moitié fonctionne sous forme d’association, même lorsqu’elles sont adossées à une commune qui peut posséder le fonds. Toutefois, un peu plus d’un quart sont des musées gérés directement par une collectivité (commune, intercommunalité, département) sans interface associative. 15 % sont entièrement privés.

Un tiers de ces musées sont ouverts toute l’année ; presque la moitié d’entre eux sont fermés en hiver, souvent de novembre à mars, fonctionnement principalement corrélé avec leur situation géographique en petit bourg ou dans des communes rurales. Quelques-uns, très petits, ont une ouverture à la demande.

L’immense majorité propose des dispositifs tournés vers le visiteur 85% de musées proposant des visites guidées et les deux tiers incluant des activités scolaires. Près du tiers de ces musées dispose d’audioguides et 43% proposent de la documentation. La plupart des sites possèdent une boutique, disposent d’un distributeur ou d’une cafétéria et mettent à disposition un parc ou un jardin.

47 % des sites bénéficiaient d’une fréquentation en hausse au cours des dernières années et 32% avaient une fréquentation stable. 86 % de visiteurs sont français et 77% proviennent de la proximité plus ou moins forte avec le musée. Les liaisons avec le monde scolaire sont importantes et représentent 18% des visiteurs principalement dans le cadre des parcours d’Éducation Artistique  et Culturelle.

Les étrangers viennent principalement de Belgique, d’Allemagne, à un moindre niveau des Pays-Bas et de Grande-Bretagne, mais aussi de Suisse.

46% de ces musées travaillent avec le milieu culturel environnant et sont partenaires de manifestations de proximité. Ils ne peuvent pas forcément compter sur cet apport événementiel cette année.

Sur leur fonctionnement :

Leurs structures sont majoritairement légères. Un quart n’a pas la possibilité de faire appel à des salariés. La plupart de leurs activités reposent ainsi sur le bénévolat. Si l’on exclut ceux qui adossés à une collectivité, emploient plus de 10 ETP, la moyenne ressort à 2.2 ETP pour les  sites restants.

Ce faible nombre de salariés est un réel inconvénient, car les bénévoles ne sont bien souvent pas en mesure de faire face durablement à la charge de supplémentaire de travail pour relancer l’activité. En outre, plus encore dans une petite structure, la perte d’un salarié est toujours une perte économique car il part avec sa compétence, ses connaissances, son expérience qu’il est difficile de retrouver rapidement.

Les équilibres financiers sont assurés à 31 % par les recettes sur les entrées et à hauteur de 30%, par les ventes de produits et autres moyens d’autofinancement. Aussi, ce sont 61 % des produits du compte d’exploitation qui sont directement impactés par une fermeture prolongée du site.

Cependant, les collectivités territoriales accompagnent ces musées à hauteur de 30% en moyenne, ce qui est une reconnaissance directe de l’ intérêt public qu’ils représentent.

Sur l’influence du confinement :

Les situations sont variables et dépendent des ouvertures habituellement pratiquées. Le nombre de jours perdus escomptés jusqu’à la réouverture est d’environ 68 jours au moment de l’enquête. Les recettes perdues s’étalent sur une plage de 2 000 à 50 000 euros. Plus d’un tiers a eu recours au chômage partiel.

Les pertes financières sont importantes dans la grande majorité des cas mais n’ont pas toujours le même impact. Les structures dont l’équilibre repose essentiellement sur les entrées ET les ventes subissent clairement les effets du confinement. Les moins sensibles appartiennent au groupe des sites à entrée gratuite, souvent municipaux, qui n’attachent pas leur survie financière aux recettes.

Sur les réouvertures, les réponses sont très différenciées selon que le site ouvre toute l’année ou non.

Plusieurs associations ont indiqué ne pas pouvoir ouvrir, la préparation de la thématique pendant la saison 2020 devant se réaliser en mars ou avril. D’autres ne peuvent également ouvrir car ils ne peuvent compenser la neutralisation des mois de mars, avril et mai les prestataires ayant prévu une intervention en mars et leur agenda annuel étant complet. Certains prestataires ont déposé le bilan. D’autres musées sont en situation de chômage partiel. En d’autres cas, les expositions prévues ne sont plus possibles.

Pour une minorité (25 %), la mise en œuvre se poursuivra avec une ouverture plus tardive, probablement en juillet, août voire septembre.

Les difficultés rencontrées sont diverses.

Des parcours de visite ont dû être réduits pour cause de salles trop petites, ne permettant pas la distanciation physique. Cependant beaucoup de sites ont joué la carte de l’évolution de l’offre pour 26 % d’entre eux ; 25% ont mis à profit ces deux mois pour repositionner leur communication dans l’attente de la réouverture. Ces actions sont liées aux possibilités des responsables de faire appel aux compétences internes ou externes nécessaires.

Les musées ouvrant toute l’année s’attendent à une forte baisse de la fréquentation (jusqu’à 40 %) notamment parce que le « déconfinement » incitera les visiteurs à découvrir des lieux plus éloignés. Or, ces musées drainent plutôt des visiteurs « de voisinage ».

Certains sites, sur le modèle des tiers-lieux, regroupent en un même espace des activités de sociabilité multiples (café, bibliothèque, accueil touristique) et se trouvent devant la difficulté de rouvrir ce lieu multi-services.

D’autres, en l’absence de groupes notamment scolaires, doivent faire face à des coûts de fonctionnement supérieurs aux recettes des visiteurs individuels et ne peuvent ouvrir pour une question de rentabilité.

La situation est difficile pour 14 % des musées qui estiment que, sans événement particulier, le risque d’une cessation définitive d’activité est sérieux.

Sur les attentes :

À l’exception des sites qui ne sont ouverts qu’en période allant de mai à octobre voire en été seulement (12 %), tous les musées estiment qu’il y aura une perte importante de fréquentation. La perte est estimée à plus de 20 % pour ceux qui ouvrent de Pâques au 1er novembre. Aussi, l’espoir d’un relatif rétablissement de la situation réside dans un accroissement très appuyé des visiteurs français de proximité ou plus éloignés.

Toutefois, il n’est pas certain que les dynamismes individuels soient suffisants. La juxtaposition des travaux engagés par chaque site n’aura sans doute pas l’impact d’une action structurée d’un niveau territorial plus global.

Sur les aides :

24% des sites ne demandent aucune aide. Ils ont des salariés (3 ETP en moyenne) et certains ont des pertes pouvant aller jusqu’à 25 000 euros. Ils reçoivent entre 10 000 et 25 000 visiteurs annuellement. Ils ouvrent sur toute l’année ; l’apport des recettes dans leur structure financière est de 20 % avec 70 % d’aides communales et intercommunales. Ils estiment pouvoir sortir des difficultés actuelles par un étalement des pertes dues au confinement.

Ce n’est pas le cas des sites qui ouvrent plus partiellement et pour lesquels les mois de mars à juin apportaient des ressources importantes ou de ceux qui ne peuvent ouvrir par suite des difficultés à proposer une offre attirante en conformité avec la réglementation.

D’autres sites attendent une aide externe, car ils n’ont pas les moyens de payer un emploi à temps complet pour mettre en place une offre diversifiée. Les subventions reçues représentent en moyenne 12.7 % de leur budget, soit la moitié des aides communales et intercommunales perçues par l’ensemble des répondants. C’est bien cette perception de leur fragilité qui prévaut dans l’appel qu’elles font à davantage de soutien (32% souhaitent un renforcement des aides).

Une majorité de sites (51%) confirme leur besoin d’une communication importante ; ils souhaitent avoir un relais prononcé de la part des institutions (Conseil Régional, DRAC, Comité Régional du Tourisme, Comités Départementaux du Tourisme).

Musée de l’Abbaye, à Saint-Claude (Jura) © Pmau
En conclusion :

À la lumière de l’enquête, la réactivité et le dynamisme de ces « petits musées » sont évidents.
Cependant, leur engagement a ses limites, le possible n’étant pas toujours du fait de celui qui est au cœur de l’événement. Les pouvoirs publics soutenant nombre de domaines qui constituent la colonne vertébrale de notre société, certains des « petits musées » ont pu en bénéficier, notamment par le chômage partiel.
Ces musées disséminés dans les territoires sont des points d’appui pour un développement qu’il serait dramatique de négliger.

Ils jouent, à leur niveau, un rôle de catalyseur sociétal, bénéficient d’une attention privilégiée de la part du public et sont un foyer de dynamisme qui peut faire école dans les espaces ruraux. Il n’est pas neutre de constater que pour 79 % d’entre eux, la fréquentation était en hausse ou se maintenait avant la crise.

Ils ont deux attentes. L’une concerne une aide financière et émane principalement de ceux qui en ont actuellement assez peu. La réponse ne peut venir que des institutions (État, Région et collectivités territoriales),  le mécénat étant des plus aléatoires, surtout dans une période où la plupart des entreprises souffrent elles-mêmes des effets de la crise. La seconde aide attendue concerne la communication : faire connaître, mettre en valeur, donner au prospect l’envie de venir…

Ils ont fait ce qui était possible à leur niveau. Il convient de trouver au niveau inter-territorial les décideurs qui sauront mettre en valeur cette dimension de l’économie, du tourisme, du patrimoine et de la culture en cohérence avec eux. Mais il faut se hâter ; le temps leur est compté.

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