Vol de cloche à Brest

La presse de l’Ouest s’est fait écho du vol d’une cloche de 200 kg sur le chantier de démolition de la chapelle Saint-Paul de Brest, désacralisée en 2012, dans la nuit de mercredi à jeudi. Une cloche probablement pas très historique, mais que faisait-elle encore en haut du clocher quelques jours auparavant ? Car, le Télégramme publie une photo d’une croqueuse de béton, la cloche en partie entre les mâchoires en partie basculant au milieu des fers à béton, preuve de sa présence.

cloche démolie à Brest

La cloche de 200kg de la chapelle Saint-Paul a été volée dans la nuit du 11au 12 septembre ©Claude Arnal

Spectacle affligeant tout autant que le vol ! Surtout à deux jours de la grand messe européenne dédiée au patrimoine ! Église de France, quel respect as-tu pour ton patrimoine liturgique et sacré ? Hypocrisie ? Incompétence ? Dépassée par les événements ? Car l’affaire n’est pas une première et nous rappelle de triste mémoire « l’affaire » scandaleuse de l’église Saint-Jacques d’Abbeville le 27 mars 2013.

Nous nous doutons bien que la décision de désacraliser une église, fut-ce une chapelle de quartier, n’est pas faite de gaité de cœur par le diocèse ou le curé ; la vie s’achève partout par la mort un jour ou l’autre. Ce qui nous choque, c’est la façon de gérer l’opération. Car cet instrument d’appel (et aussi instrument de musique), le jour de son installation dans le clocher, a fait l’objet d’un rituel public de bénédiction, parfois avec faste, est devenue instrument sacré, symbole de la voix de Dieu etc. etc. à en juger par le sermon de l’évêque ce jour-là ou de son représentant. Quelques dizaines d’années après, la voilà traitée comme un mouchoir que l’on jette au panier ! Ou bien la sacralisation d’une cloche n’est pas une mascarade pour amuser le peuple et, alors on prend un minimum de précaution pour la descendre de son perchoir et lui redonner une seconde vie dans un autre édifice cultuel (ça de pratique heureusement à certains endroits) ou bien la cloche n’est qu’une pièce métallique purement fonctionnelle et utilitaire destinée à être recyclée avec d’autres objets une fois que le service a été rendu et, alors, arrêtons de les bénir, de les décorer, d’y mettre des inscriptions, de les bénir et de raconter des salades.

On nous annonce la désacralisation de plusieurs dizaines d’églises au cours des toutes prochaines années. Dans quelles conditions de « déconstruction » ? Il est urgent que les instances d’art sacré de l’Église de France diffusent des instructions précises tant aux curés qu’aux maires (églises antérieurs à 1905) pour que plusieurs dispositions soient prises : avant toute désacralisation, dresser un inventaire descriptif détaillé et photographique de tout le mobilier ou immobilier par destination (orgues, cloches, vitraux…) ; un tel inventaire faciliterait d’ailleurs la tâche de la police ou des gendarmes en cas de vol ainsi que les études scientifiques sur le patrimoine (qui ne porte pas uniquement que sur le Moyen Age…) ; établir un « plan de devenir temporaire ou définitif » de ces mobiliers ou composantes artistiques de l’église vouée à un changement d’affectation ou à la démolition ; déménager tout ce mobilier avant démolition ; contrôler le bon suivi de ces instructions dans leur application. En l’occurrence, la cloche aurait du être descendue comme elle a été montée, c’est-à-dire par une entreprise spécialisée (campaniste) au fait de ce patrimoine et non par une entreprise de démolition qui n’a pas les engins adaptés ni le savoir-faire.

Puisse ce cas dramatique de Brest servir de déclencheur et de leçon pour que cela ne reproduise plus une troisième fois !

Eric Sutter,
Président de la Société Française de campanologie