« Le Plus Grand Musée de France » : les étudiants de l’Ecole du Louvre en croisade pour révéler nos trésors cachés – Entretien avec Léopold Legros, président de la Junior Entreprise de l’Ecole du Louvre

 

Ils se comptaient sur les doigts d’une main à l’origine et fédèrent aujourd’hui une cinquantaine d’étudiants : l’association École du Louvre Junior Conseil, la junior entreprise de lEcole du Louvre, est un exemple des plus probants du dynamisme et de l’esprit d’initiative qui animent les jeunes étudiants du secteur du patrimoine.

logo le plus grand Musée de France

« Le plus Grand Musée de France », opération à l’envergure nationale, en est à sa deuxième édition : un exercice de terrain sans égal pour ces étudiants, mais également une formidable campagne de sensibilisation et de sauvegarde de notre patrimoine. Rencontre avec Léopold Legros, un étudiant déterminé et entreprenant…

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Pouvez-vous nous parler de l’association École du Louvre Junior Conseil que vous présidez ? Quelle est sa spécificité dans le paysage des Junior-Entreprises ?

Lâ??attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Portrait-web3-600x1024.jpg.Léopold Legros : L’association a été créée avec une bande d’amis il y a deux ans et demie. Nous voulions montrer que les étudiants d’Histoire de l’Art n’étaient pas que des doux rêveurs ou des rats de bibliothèques !

Le but d’une Junior est de permettre aux étudiants de réaliser des missions rémunérées dans leur domaine de compétences. En ce qui nous concerne à l’École du Louvre, il s’agit de traiter des problématiques culturelles comme l’analyse des publics des musées, la conception de visites, d’expositions ou encore du travail de recherche sur une œuvre ou un monument par exemple. Pour la plupart des élèves, les missions au sein de la Junior constituent leur premier exercice de terrain.

Notre ambition au départ était de prouver que nous savions également gérer des problématiques économiques en adoptant une approche de chef d’entreprise avec tous les enjeux que cela comportent. On peut aisément se rendre compte que, de plus en plus souvent, ce sont d’anciens étudiants d’école de Commerce qui prennent la tête des musées : il faut reprendre la main ! D’ailleurs, l’École du Louvre Junior Conseil est la première Junior entreprise culturelle.

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Qu’est-ce que le Plus Grand Musée de France, comment le projet a-t-il vu le jour ?

L. legros : On a eu la chance de rencontrer le président de la Sauvegarde de l’Art Français, Olivier de Rohan-Chabot qui nous a dit un jour : « J’ai une idée, ce serait le plus grand musée de France ! ». Toutes ces peintures, sculptures et objets d’art dormant dans les églises, les greniers de mairies, de châteaux ou même de maisons, rendons-les publics. Immédiatement, on a répondu : « Ce projet, on va le porter, on va l’incarner ».  On savait qu’on pouvait mobiliser beaucoup de monde avec l’École. Olivier de Rohan-Chabot nous a fait confiance et je l’en remercie car ça ne doit pas être évident de voir une bande de petits jeunes sans expériences de tout juste 20 ans s’emparer d’un projet de cette envergure ! C’est parti comme ça.

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Comment fonctionne l’opération ?

Groupe Plus Grand Musée de FranceL. Legros : Chaque étudiant porteur du projet rentre dans sa région natale (chez ses parents en général) et part à la recherche de son « trésor caché » dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres. Si les Drac ou le comité de la Junior conseillent et aiguillent parfois les étudiants, il reste que ce sont toujours eux qui ont le dernier mot.  C’est très important qu’ils choisissent l’œuvre qu’ils vont par la suite défendre du début à la fin de la campagne.

Ensuite, l’opération se déroule en trois phases. La première relève de la recherche: identification et documentation. Il s’agit de déterminer l’intérêt et l’esthétique de l’œuvre.

La deuxième phase est celle de la médiatisation : faire connaitre l’œuvre au public et l’y sensibiliser. Pour cela, c’est indispensable de trouver une accroche en déterminant un dénominateur commun avec le public. Chaque cas est différent : si l’histoire de l’œuvre est anecdotique ou rocambolesque on s’appuiera dessus, si c’est sa valeur esthétique ou historique qui prime, on axera la communication en fonction. Tout est bon pour attirer la presse et le public : organisation d’événements, de visites, de concerts… La prise de conscience du public est essentiel pour que puisse se dérouler la troisième phase : la recherche de mécénat. Là, je dois dire qu’on tâtonne un peu plus ! Nous visons deux publics distincts : les particuliers et les entreprises. Les Chambres de commerces, les grosses sociétés de la région, les Rotary Club qui ont généralement beaucoup de contacts…  En vérité, on frappe à toutes les portes !

La Sauvegarde de l’Art français nous apporte une aide précieuse, tant par leurs relations que par leur expérience. Si notre jeune âge est très avantageux pour la partie médiatisation, il l’est bien moins pour la recherche de mécénat !

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Vous êtes toujours étudiants. Est-ce que l’opération se coordonne bien avec la formation délivrée à l’école du Louvre ?

L. Legros : L’expérience menée avec Le Plus Grand Musée de France est complétement indépendante de la formation délivrée et de l’administration de l’École ; elle n’est pas comptabilisée ni pour le diplôme ni comme un stage. C’est vrai qu’il m’arrive de devoir sécher des cours pour le bien de l’opération et de la Junior, mais l’École fait preuve d’une grande indulgence et nous soutient énormément. Nous entretenons de très bons rapports et travaillons vraiment main dans la main, par exemple, nous prenons souvent conseil auprès du directeur de la communication de l’École. Et puis, c’est gagnant–gagnant car on leur apporte aussi notre notoriété !

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Pouvez-vous nous faire un bref bilan de la précédente édition en 2013 et des nouvelles ambitions pour l‘édition 2014 ?

L. Legros : Le bilan est très positif : ne partant de rien, on s’est lancé dans un tout nouveau concept et on a sensibilisé beaucoup de monde autour de notre projet.  Nous étions 25 élèves – contre une cinquantaine en 2014 – à avoir sélectionné une quarantaine d’œuvres. Nous avons récolté 45 000€ qui ont permis de financer la restauration de quatre œuvres. Les élèves ont appris énormément –certains ont même été embauchés à la suite ! Nous avons surtout réussi à éveiller les consciences sur tous les trésors qui se cachent près de chez nous et qu’il s’agit de préserver, c’est notre plus belle victoire.

Cette année, nous avons établi deux partenariats importants : l’un avec les étudiants en arts plastiques et en économie des Universités de Rennes 1 et 2 et l’autre avec les étudiants de l’ESSEC Business School. S’il existe déjà un partenariat académique entre nos deux écoles, l’échange de compétences se matérialise pleinement dans le cadre du Plus Grand Musée de France. Les étudiants de l’ESSEC nous apportent une approche managériale et commerciale nécessaires lors de la phase de mécénat. L’idée était de ne pas subir l’évidente porosité entre la Culture et le Business mais d’en faire une force. C’est un partenariat auquel on croit vraiment et qui doit porter ses fruits.

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Plus personnellement, que souhaitez-vous faire plus tard ? Peut-on dire de l’expérience « Le Plus Grand Musée de France » qu’elle aura été un tremplin pour vos ambitions professionnelles ?

L. Legros : Actuellement, je suis en master 1 à l’École du Louvre. Pour la suite, c’est encore très flou mais je suis très attiré par le marché de l’art, en ce qu’il consiste à trouver l’art là où on ne l’attend pas, à dénicher les œuvres là où elles se trouvent… exactement comme nous le faisons avec le Plus Grand Musée de France en fait !

Bien sûr,  je pense que l’opération est un tremplin pour tous les élèves. Porter entièrement un projet, prendre des décisions et s’apercevoir que nous sommes capables de réussir pleinement la mission nous donne confiance en nous ; ça fait forcément grandir. De plus, et c’est non négligeable, nous rencontrons beaucoup de monde, dans le milieu de la conservation notamment, ce qui  peut être utile plus tard. C’est clairement un tremplin, et c’est d’ailleurs la vocation d’une Junior.

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Comment voyez-vous évoluer le Plus Grand Musée de France ?

L. Legros : Notre objectif : que les gens participent de plus en plus. Notre rôle est de montrer à tous les Français qu’il suffit de faire 300 mètres pour découvrir des œuvres magnifiques. Notre mot d’ordre reste celui-ci : les œuvres appartiennent à ceux qui veulent les voir. En France, on a un patrimoine extrêmement riche, il appartient à tous de l’apprécier mais aussi de le préserver.

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Léopold Legros et les élèves de la Junior de l’École du Louvre ont un objectif à présent : récolter le plus d’argent possible jusqu’au clap de fin de l’opération 2014 lors des Journées du Patrimoine en septembre, « quasiment l’un des seuls moments où l’on parle véritablement de patrimoine en France et qui nous semble donc le moment opportun pour révéler les résultats » selon le président de l’École du Louvre Junior Conseil. D’ici-là, l’aventure se poursuit pour chaque œuvre en région : suivons-les sur les réseaux sociaux et leur site web !

EN SAVOIR PLUS

Watteau Avesnes

Léopold Legros devant l’Assomption de la Vierge de Louis-Joseph Watteau dans la collégiale Saint-Nicolas à Avesnes-sur-Helpe (Nord-Pas-de-Calais)