L’Abbaye Royale de Fontevraud, énergétiquement novatrice

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Un patrimoine remarquable et reconnu

Située près de Saumur en Maine-et-Loire sur un site de 14 hectares, l’Abbaye Royale de Fontevraud est l’une des plus grandes cités monastiques d’Europe, fondée au XIIème siècle. Elle est stratégiquement située à la frontière des trois provinces du Poitou, de l’Anjou et de la Touraine au cœur de la vallée de la Loire. L’Abbaye est un des premiers édifices de France à avoir été inscrit sur la liste des Monuments historiques en 1840. Depuis 2000, elle est aussi inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO avec l’ensemble du Val de Loire.
Le site compose également avec le cadre lié à la Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), qui a pour objet d’assurer la protection du patrimoine paysager et urbain et mettre en valeur des quartiers et sites à protéger pour des motifs d’ordre esthétique ou historique.

Ce site religieux, hier cultuel, ne constitue pas seulement un projet patrimonial unique mais s’inscrit dans une démarche plus large de développement territorial avec la mise à disposition de la Région des Pays de la Loire d’une partie des bâtiments.
La conciliation du développement territorial économique et des différentes strates de protection d’un monument historique et son intégration paysagère, trouve rarement l’équilibre qui permette à un bâtiment d’évoluer et d’être rénové énergétiquement, au point de devenir novateur en la matière.

Fontevraud, Cité durable

C’est pourtant bien l’ambitieux projet que s’est fixé l’Abbaye, soutenue par la Région. Il s’agit avant tout d’assurer le confort thermique et la conservation des bâtiments, et de réaliser la transition énergétique du site, conformément à la politique de développement durable de la Région Pays de la Loire.
Ce programme de conversion énergétique, impliquant une division par deux de la consommation par rapport au niveau de 2011 et une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, a pris forme avec la construction d’un pôle technique accueillant une nouvelle chaufferie à bois centralisée avec silo de stockage et des locaux pour le regroupement des services techniques du Centre Culturel de l’Ouest.

Le bâtiment d’une surface de 1 200 m² utiles environ est construit selon des normes environnementales exigeantes : il a été conçu en partie enterré afin de l’intégrer dans l’environnement paysager du site, les eaux pluviales y sont recueillies et réutilisées grâce à un collecteur, et son toit terrasse végétalisé offre un plateau scénique idéalement situé pour la programmation de concerts et de spectacles. Il a été réceptionné et inauguré en 2013.

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L’opération a également pris en compte la rénovation totale de la chaufferie fuel du Grand Moûtier et le déplacement du transformateur électrique pour anticiper la réalisation des liaisons verticales, notamment d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, permettant au public et au personnel d’accéder aux Bas Dortoir, Grand Dortoir et Haut Dortoir par un ascenseur.

Le pôle énergétique, outre l’utilisation de la biomasse pour les deux chaudières à bois, intègre une surface de vitrage photovoltaïque de 200 m². Un local pédagogique offre une vue directe sur la chaufferie et permet l’information des visiteurs sur le déroulement de l’opération et sur les différentes sources d’énergies renouvelables.

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Les granulés de bois qui alimentent les chaudières sont produits dans le Saumurois. Leur livraison en circuit court, à raison d’une vingtaine de rotation de camions par an, favorise la réduction de la consommation de carburant dans le cadre d’un développement éco-local.

Si le pôle énergétique est la réalisation majeure pour concrétiser l’enjeu de conversion énergétique de l’abbaye, d’autres actions sont développées en ce sens. Elles contribuent de façon moins spectaculaire mais tout aussi efficace à l’exemplarité voulue pour Fontevraud dans le domaine des économies d’énergie : un plan éclairage a permis d’équiper tous les bâtiments et les espaces extérieurs d’ampoules basse consommation et de leds ; un plan isolation assure la mise en place de fenêtres à double vitrage lors de tous les chantiers de rénovation des bâtiments et d’isolation des toitures ; la mise en place d’un système centralisé d’éclairage et de chauffage permet de limiter les consommations aux besoins identifiés en fonction des activités habituelles et programmées dans le site.

L’évolution à venir

L’Abbaye souhaite s’inscrire plus largement dans une démarche globale de diagnostic environnemental en intégrant toutes les dimensions d’une gestion durable du site (économies d’énergie, eau, gestion des déchets, protection de la biodiversité…).
Sur le plan de la biodiversité, des démarches de recensement ont déjà été initiées par des acteurs environnementaux. Une attention plus grande à la préservation du milieu naturel de Fontevraud nécessitera la constitution d’un plan de gestion partagé du patrimoine naturel et de la biodiversité afin d’en assurer l’inventaire et la valorisation. Dans ce domaine, des partenariats peuvent être mis en place avec des structures locales de préservation et d’éducation à l’environnement en lien avec le Parc naturel régional.

L’Abbaye a également une responsabilité dans la préservation des paysages et la prise en compte de son environnement. Au même titre que le Château de Chaumont-sur-Loire a établi une charte des jardins et des fleurissements avec sa commune et les acteurs économiques, l’Abbaye de Fontevraud doit chercher à mettre en valeur ses parcs et ses jardins (en particulier le parc Bourbon et les jardins situés derrière le cloître Saint-Benoît) afin de valoriser la cohérence paysagère du site. La commune de Fontevraud et les acteurs locaux doivent pouvoir s’intégrer dans cette démarche afin d’assurer l’harmonie et la cohérence de l’Abbaye avec son environnement de proximité.

L’évolution cohérente du patrimoine ?

Un bâtiment historique se décline en plusieurs catégories : il peut être un monument historique, un bâtiment non protégé mais repéré dans le PLU Patrimoine, un bâtiment non protégé mais faisant l’objet d’un dossier de la Fondation du Patrimoine, un bâtiment non protégé situé en abord d’un monument historique ou encore un quartier protégé (PSMU, ZPPAUV, AVAP).  Lorsque celui-ci doit être restauré, plusieurs interlocuteurs rentrent alors en action. Le Conservateur des monuments historiques se met en relation avec les Architectes des Bâtiments de France qui désignent un maître d’œuvre dans le cadre d’une restauration. Les travaux sont alors soumis à la règlementation juridique, de sécurité, d’accessibilité, de santé/confort et énergétique en vigueur.

L’innovation technique peut être un levier fondamental pour permettre aux bâtiments historiques d’évoluer énergétiquement : feutre phonique et thermique, façades et terrasses végétalisées, etc, prennent en compte les changements d’usages de ces bâtiments. Ils permettent de respecter le cachet en s’adaptant aux exigences thermiques.

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Mais nombreux sont les exemples de monuments classés ou inscrits qui peinent à faire cette conversion liée aux nouveaux usages par manque d’accompagnement dans cette transition énergétique du bâti.
L’Architecture des Bâtiments de France (ABF) impose des normes strictes de rénovation qui ne permettent bien souvent pas certaines modifications ou installations techniques (par exemple : la mise en place de panneaux photovoltaïques). A l’heure du Grenelle de l’environnement et des démarches environnementales collectives, se pose la question d’un éventuel assouplissement des ABF, en bonne intelligence, pour les modes d’énergies alternatives ou du moins leur association en amont du projet de rénovation.

Fontevraud Cité durable et son pôle énergétique constitue une expérience unique en France dans un monument historique. Cette belle concrétisation de conversion est surtout l’exemple d’une démarche portée à l’échelle régionale, qui a bénéficié de soutien financier à la hauteur de son ambition : cette première opération de conversion a bénéficié d’une subvention de l’ADEME au titre du Fonds Chaleur d’un montant de 339 492 €. L’intégralité des 6 millions d’euros d’investissement du projet, ont été portés par la Région des Pays-de-la-Loire.

La mise en place d’un programme de réflexion et d’accompagnement de la conversion d’un monument historique, à l’échelle de la collectivité, du département ou de la Région, permet d’impliquer l’ensemble des partenaires en amont du Projet et d’éviter certains blocages dans la mise en œuvre technique.

Camille Pessemier,
Paysagiste, bénévole au sein de Patrimoine-Environnement