Cafouillage ? Vous avez dit cafouillage…….

Le premier ministre évoquant sur une radio matinale l’un des textes votés à la hussarde par la majorité et déclaré anticonstitutionnel, a employé ce mot que nous n’utiliserons pas comme les partis politiques mais comme des associations, corps intermédiaires, qui certes s’interdisent les prises de position politiciennes mais veulent néanmoins veiller à ce que la loi soit bien faite.

Nous craignons que l’on puisse aussi parler de cafouillage à propos de la proposition de loi dite « Energie sobre » qui, en l’état de son examen par l’assemblée nationale, créait un « bonus –malus » sur les factures d’énergie et légiférait pour la suppression des zones de développement éoliens en introduisant à deux heures du matin des amendements téléguidés par des lobbies financiers. Ce texte vient de faire l’objet d’une motion d’irrecevabilité votée par la commission des affaires économiques du Sénat. Grand danger pour les paysages : si le Sénat en séance publique vote à son tour cette motion, c’est le texte de l’assemblée qui risque d’avoir le dessus.

Cafouillage encore quand le rapporteur général du budget propose à l’Assemblée nationale, contre le gouvernement qu’il soutient, de voter un amendement incluant les œuvres d’art dans l’ISF.

Mais cafouillage aussi, particulièrement incompréhensible pour tout un chacun : le traitement parlementaire de la proposition de loi du sénateur du Loiret, Eric Doligé, dite « de simplification des normes applicables aux collectivités ». Ce texte qui faisait suite à un rapport du même M. Doligé, introduisait dans notre corpus législatif des idées forts originales : selon l’auteur les préfets pourraient, sur le fondement d’un principe dit de « proportionnalité », accorder sur certains territoires des dérogations aux collectivités pour lesquelles le poids de l’empilement des normes dont tout le monde se plaint serait trop lourd.

Les préfets pourraient aussi, suivant les recommandations antérieures aux dernières élections de Benoist Apparu, ministre du logement d’alors, créer des secteurs « de projet » dans lesquels les règles d’urbanisme devraient s’incliner devant le désidérata d’un Jean Nouvel, d’un Roland Castro ou d’un urbaniste de moindre notoriété dès lors qu’il aurait obtenu le soutien de son maire ! On pourrait aussi détricoter la loi sur l’accessibilité qu’il eut peut être mieux valu confronter à une sérieuse étude d’impact quand elle fut votée selon les mêmes règles de proportionnalité. Passons sur tout un inventaire à la Prévert dont était friand en son temps le député Jean-Luc Warsmann, spécialiste de la « simplification ».

Dans un tel texte, pourquoi ne pas réintroduire deux amendements pour supprimer l’avis conforme des Architectes des Bâtiments de France : c’est un pas qu’a franchi Nicole Goulet, sénatrice de l’Orne et membre de la commission des affaires étrangères.
En son temps le président du Sénat, Gérard Larcher, avait saisi pour avis le Conseil d’Etat : première anomalie les seuls à avoir lu cet avis paraissent être le président du Sénat et l’auteur de la proposition ; on sait seulement que l’avis était très réservé !
La commission, sous l’empire de la précédente majorité, avait en février demandé du temps en renvoyant le texte en commission. Plusieurs mois après, dans le courant de ce mois et avec une nouvelle majorité sénatoriale, des débats plus que confus ont eu lieu en commission dans des conditions « transversales » selon le vocabulaire parlementaire. C’est à dire sans lignes politiques partisanes.

La commission a tenté de présenter pour les pouvoirs du préfet un texte compatible avec la Constitution malgré la difficulté de la tâche ! Elle a supprimé le volet urbanisme du texte originel entre autre. Sur la demande du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles cette commission a reçu délégation au fond pour suivre l’affaire des ABF. Mais en séance publique une nouvelle motion de renvoi en commission a été proposée et…rejetée mercredi 24 octobre.
Cependant la proposition Doligé était d’origine parlementaire et elle a été discutée pendant les quatre heures que la conférence des présidents avait allouées au groupe UMP. Ces quatre heures n’ont pas permis d’examiner les amendements et de voter.

Il nous faudra donc attendre une prochaine inscription à l’ordre du jour pour que la séance publique continue et pour savoir ce qu’il adviendra de tout cela et en particulier après que la commission des affaires culturelles exécute sa délégation nous saurons si le Sénat supprime encore l’avis conforme des ABF !

Vous avez dit cafouillage….ou bien simplification !

Alain de La Bretesche
Président délégué de
Patrimoine-Environnement