A propos des vacances de Monsieur Hulot

Le ministre d’État, ministre de la Transition énergétique et solidaire, avait déjà sous ses ordres une ministre déléguée aux transports et deux secrétaires d’État. Depuis quelques jours, il est également assisté d’un Haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire : il est clair qu’après le premier ministre c’est l’homme le plus important du gouvernement. Ses fonctions embrassent un champ qui couvre un vaste spectre.

De nombreuses questions qui nous préoccupent vont passer par le prisme Hulot mais, jusqu’à présent, il est difficile de se faire une opinion sur le sens que va emprunter la fameuse transition énergétique et solidaire.

L’isolation par l’extérieur

Si l’on fait un peu d’inventaire, on trouve d’abord un dossier laissé par Ségolène Royal sur le bureau du ministre de l’hôtel de Roquelaure : celui de l’isolation par l’extérieur des bâtiments d’avant-guerre. Un décret pris pour l’application de la loi qui avait prévu de rendre obligatoire cette isolation dans des conditions extrêmes, dommageables pour le Patrimoine. Devant la bronca de nos associations, nous avions obtenu un texte modificatif, malheureusement il restait une grosse coquille dans le nouveau texte : l’assimilation des constructions en brique au béton, et partant le maintien de l’obligation d’isoler par l’extérieur toutes les villes du sud-ouest, les châteaux Louis XIII de l’Ile-de-France et beaucoup de choses encore. Un contentieux est en cours. Nous attendons que le ministre d’État nous convoque et règle cette affaire. Pour l’instant l’été est passé sans qu’il se passe rien.

La continuité écologique

L’autre dossier concerne la fameuse « continuité écologique ». Un projet de décret a fait l’objet d’une
consultation du public par voie numérique. Nous avons donc avec plusieurs associations fait savoir notre point de vue très négatif sur ce projet qui va être à l’origine de la disparition des seuils de moulins établis depuis un millénaire sur les rivières au prétexte que la qualité de l’eau exige que les pollutions courent de leur point d’origine jusqu’à la mer et que dans le sens inverse, les moulins empêchent les poissons de remonter les fleuves, ce qu’ils faisaient pourtant fort bien depuis des siècles. Le texte n’est probablement pas du Hulot, mais la suite des dogmes de ses prédécesseurs, jusqu’à Chantal Jouanno. Mais nous ne savons pas si nos observations seront prises en compte.

Les éoliennes en mer

Un troisième dossier fait naître de l’espoir : un grand champ éolien devait voir le jour au large du Touquet. Le ministre d’État lui-même, malgré la recrudescence des discours du lobby éolien, a suspendu sine die la poursuite de ces opérations et demandé une expertise générale sur l’impact du projet. Bien sûr, les couloirs bruisseront de l’influence d’une avocate locale, fille de Brigitte Macron, sur cette affaire. Mais Monsieur Hulot est réputé peu influençable. Est-ce le début d’un réexamen de la planification des aéro-générateurs ?

Chartres

Mais une nouvelle menace importante se dessine à côté de la cathédrale de Chartres à Charonville. Un commissaire enquêteur vient de donner un avis favorable à l’établissement d’un champ éolien dans le champ de visibilité de l’église chère à Charles Péguy, de surcroît aussi au beau milieu des paysages vantés par Marcel Proust à Milliers Combray.

Un autre projet autour de Chartres est soumis au Conseil d’État par le ministre de la Culture et notre fédération vient de saisir le Tribunal administratif contre le premier. Que dira monsieur Hulot !

L’enquête publique

Nos associations, dans une « Lettre ouverte aux français et à leurs élus sur le Patrimoine » en novembre dernier, faisaient une proposition n°7 ainsi formulée :

« Créer les conditions d’une véritable participation des associations au débat public en amont des processus de décision.
Élargir les moyens et les compétences de la société civile organisée.
Reformer l’enquête publique en donnant une portée juridique aux avis négatifs. »

La lecture de l’enquête concernant Chartres démontre d’évidence qu’il faut mettre un terme à l’amateurisme des commissaires enquêteurs. Citons :
« Oui les propriétaires comme les exploitants agricoles sont rémunérés. Et oui cela fâche certains, cela excite les jalousies. Mais quid des gains au loto ? Au tiercé ? »

Ou encore :
« Si l’on se débarrasse des préjugés, une éolienne dans la campagne se découpant en blanc sur fond vert, jaune orangé, ou sur un ciel qu’il soit bleu ou couvert, est-elle laide ? Posons-nous sans a priori la question. »

De plus fort :

« Je propose que des mesures acoustiques soient réalisées, et une isolation phonique de la façade « au vent » effectuée, si les chiffres montrent un réel impact après mise en service. Ceci à la charge de l’entreprise.
L’expérience recueillie sur les parcs éoliens existants comme sur les lignes ferroviaires parcourues à grande vitesse, n’a pas montré d’impacts notables sur l’avifaune migratrice. Néanmoins, je propose que l’entreprise fasse réaliser, après l’établissement éventuel de ce parc, un état des lieux au moment des migrations de printemps ou d’automne. »

Et pourtant ce commissaire donne, avant toutes ces mesures qui lui paraissent opportunes, un avis favorable sans réserve.

Ce n’est pas tout : dans plusieurs enquêtes l’introduction fait songer à un copié-collé. Citons encore :

« La directive européenne n°2001/77/CE a pour objet la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables. L’électricité d’origine éolienne en fait partie.
Et donc, tout projet de parc éolien s’inscrit dans ce cadre et a vocation à bénéficier d’un examen plutôt favorable, à la condition que ses impacts éventuels soient acceptables au regard des bénéfices attendus pour la collectivité.

Notre fédération est excédée par cet à-peu-près et ces cheminements que l’on ose à peine qualifier d’intellectuels.

Nous savons bien nous aussi que des textes européens, transposés en droit français, fixent des objectifs ambitieux aux énergies renouvelables et nous ne demandons pas mieux que de collaborer au développement de ces énergies actives ou passives et de répandre la bonne parole dans les associations qui nous constituent.

Mais comment faire lorsque nous devons faire face à de pareilles stupidités telles que nous les rencontrons tous les jours ?

Monsieur Hulot : jusqu’à aujourd’hui nous n’avons rien contre vous puisque nous attendons vos décisions et le résultat de vos pensées estivales.

Mais aidez-nous d’abord à nous débarrasser de ces contreperformances. Nous sommes, nous pourrons alors vous le démontrer, aussi compétents sur les chemins positifs que sur ceux du négatif que l’on nous oblige à emprunter.

Alain de la Bretesche,

Président de Patrimoine-Environnement.