Gironde : 40 éoliennes dans l’estuaire

La rive droite de l’estuaire de la Gironde est depuis de nombreuses années classée Natura 2000 et fait l’objet d’un classement Zone de Protection Spéciale (ZPS) depuis 2004. Cette zone est également classée zone d’intérêt communautaire pour les oiseaux (Zico) au titre de la directive européenne « Oiseaux » n° 79-409  et protégée par la loi Littoral, extrêmement stricte en matière de construction.

Zone du projet de parc éolien – capture d’écran sur Google Maps
Six années « vent debout » contre ce projet

C’est dans ce paradis du Blayais qu’ »EDF Renouvelables » (EDF-R) souhaite implanter un parc éolien d’une quarantaine d’unités d’environ 180 mètres de haut. Il est à noter qu’à ce jour, le territoire de l’ex-région Aquitaine ne compte aucune éolienne. Une particularité en France pour un espace si vaste.

Le projet en élaboration depuis 2014 s’inscrit sur le territoire de 8 communes situées sur les départements de la Charente-Maritime (4 communes) et de la Gironde (4 communes). Selon Sites et Monuments, des démarchages auraient eu lieu auprès de propriétaires de parcelles en vue d’obtenir des promesses de bail emphytéotique avant toute concertation avec les élus locaux.

Ce sont les associations locales – Défense Des Marais de l’Estuaire (DDME) et Vigi Eole – qui ont prévenu les riverains et alerté les élus. Les maires de 9 communes concernées par le projet ont voté une motion contre l’implantation du parc éolien. Le projet n’a été présenté aux élus et au public qu’en 2018, et la consultation publique a eu lieu début juillet 2019.

Il semblerait que l’État commence à sortir de sa neutralité. Lors d’un déplacement à Pau, le 14 janvier 2020, le Président Macron déclarait : « Le consensus sur l’éolien est nettement en train de s’affaiblir dans notre pays. Il ne faut pas l’imposer d’en haut. » Le 20 février 2020, Élisabeth Borne dans le quotidien Le Monde, ministre de la Transition écologique et solidaire, dénonçait devant la commission des affaires économiques du Sénat : « le développement anarchique des éoliennes, la saturation visuelle, voire d’une situation d’encerclement autour de certains bourgs qui est absolument insupportable. »

La biodiversité, première victime

Outre la levée d’un nouveau vent d’opposition contre les éoliennes, le lieu prévu pour ce parc s’avère mal choisi car c’est le plus grand estuaire d’Europe abritant une biodiversité parmi la plus importante au monde.

En effet, près d’une quinzaine d’espèces menacées au niveau national, international ou inscrites à l’annexe I de la Directive Oiseaux, figurerait à l’inventaire de l’avifaune de la zone Natura 2000 de l’estuaire de la Gironde et du marais de la rive nord. Cela serait le cas de la Bécassine des Marais (Gallinago gallinago) classée « en danger critique » sur la liste rouge nationale. C’est d’ailleurs au titre de la présence de ces espèces qu’a été mise en place la ZPS de l’estuaire de la Gironde.

Bécassine des marais © vinsky2002

Toujours d’après Sites et Monuments, cette zone est l’objet de nombreuses protections telles que le Plan National d’Action pour la conservation des habitats du Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) mis en place sous l’égide du Ministère de l’Environnement sur la période 2010-2014. Depuis mai 2010, les espaces utilisés par cet espèce sont protégés au travers du Mémorandum d’Accord International par lequel notre pays s’est engagé.

Phragmite aquatique-Assis phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) © Lubos Houska

Des études menées déconseillent l’installation d’éoliennes dans ou à proximité des ZPS comme l’indique l’étude de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) avec le soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et du ministère de la Transition Écologique et Solidaire, publiée en juin 2017.

Un risque significatif de pollution

D’ordinaire, sur des sols stables, chaque éolienne demande un peu plus de 1 000 tonnes de béton et 40 tonnes de ferrailles au pied. Sur des sols marécageux, et compte tenu de la hauteur des appareils, il faudra compter bien davantage. Une pollution du sol impacterait la biodiversité de cette zone humide.

A l’issue de la consultation publique de juillet 2019, EDF-R révise son projet et se propose d’engager une analyse sur les diverses sources d’énergies renouvelables pouvant être mobilisées sur le territoire. Pour Antoine Hantz, directeur de projet chez EDF-R « (La réflexion) ira de l’hydrolienne au photovoltaïque en passant par le stockage et l’éolien, toujours dans le Blayais mais pourquoi pas le long de l’A10. Nous allons lancer des analyses que nous rendrons publiques d’ici à la fin du deuxième semestre 2020. L’intérêt pour des éoliennes et plus largement pour les énergies renouvelables dans ce secteur, est réel ». (Cf. Le bilan du maître d’ouvrage d’octobre 2019).
Un projet est d’ailleurs à l’étude un peu plus loin dans le Médoc.

Comme l’indique le journal d’association loi 1901 : « La transition énergétique est une obligation et la société en est consciente dans son ensemble. Mais (…) Est-ce au nom de la transition énergétique qu’il faut implanter une quarantaine d’éoliennes au milieu d’un des plus grands couloirs migratoires d’Europe, saccager une biodiversité unique jusque-là préservée et polluer visuellement l’un des plus beaux paysages de France ? ».

De nombreuses associations se sont créées pour lutter contre l’implantation du parc éolien. La pétition « Non à la destruction d’un site Natura 2000 par 40 éoliennes – sauvons la biodiversité » donne de nombreux détails sur le projet de EDF-R. Plus de 10 000 personnes ont déjà signé.

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