Entretien avec Olivier de Lorgeril, Président de la Demeure Historique

Olivier de Lorgeril a été élu, le 25 juin dernier, Président de la Demeure Historique (DH). Il succède à Jean de Lambertye et devient ainsi le 6ème Président de l’association fondée en 1924. La Demeure Historique est une association reconnue d’utilité publique qui représente, accompagne et conseille les propriétaires gestionnaires de monuments historiques privés. Propriétaire du château et des jardins de la Bourbansais en Ille-et-Vilaine, Olivier de Lorgeril a su développer un projet économique et touristique cohérent pour assurer la conservation, la pérennité et le développement du monument et de ses abords.

Plusieurs mois après sa prise de fonction, nous avons voulu lui poser quelques questions sur sa vision de la protection des monuments Historiques et des paysages culturels et sur les grands chantiers à mener.

Cela fait de longues années que vous êtes membres de la DH, pouvez-vous nous présenter cette association historique ?

La Demeure Historique a été créée en 1924 et reconnue d’utilité publique en 1965. À ce jour, elle regroupe environ 3000 monuments historiques ou remarquables. La DH n’est pas que l’association des grands châteaux classés. Elle est aussi celle de tout jardin ou monument remarquable, c’est-à-dire labellisé, protégé comme site naturel ou site patrimonial remarquable ou encore susceptible de bénéficier de l’une ou l’autre de ces protections en raison de l’intérêt historique ou artistique qu’il représente.  Moulins, forges, ateliers, fermes, châteaux, manoirs, abbayes, prieurés… beaucoup de nos monuments sont en milieu rural, mais pas uniquement. La DH s’intéresse aussi au patrimoine urbain, qui présente des enjeux spécifiques qu’il s’agisse des hôtels particuliers ou des copropriétés.

Enfin, il y a une chose importante que je tiens à souligner, notamment parce que mon ADN s’intéresse à l’activité économique dans les monuments et l’ouverture au public : la DH accompagne de la même manière les monuments ouverts ou non ouverts et s’attache à rappeler que tous ces monuments participent à l’attractivité de nos territoires et à la vie économique locale. Les monuments historiques et remarquables ont une véritable carte à jouer en matière de fracture rurale, ils en sont quelques fois les derniers remparts.

Votre expérience de propriétaire et votre investissement à la DH en tant que délégué régional pour la Bretagne, délégué pour l’Ille-et-Vilaine, vous confère une vision globale et une connaissance des problématiques. Quels sont selon vous les chantiers à mener ?

Mon action va s’inscrire dans la continuité de ce qu’ont fait mes prédécesseurs et notamment Jean de Lambertye. Je souhaite donc en premier lieu maintenir un très haut niveau de compétence et d’expertise au service de nos adhérents propriétaires-gestionnaires. Je souhaite en second lieu que la Demeure Historique reste un interlocuteur majeur des pouvoirs publics et continue à travailler de façon constructive en étant force de propositions. Avec les autres associations du patrimoine nous participons en effet aux diverses réflexions menées par les ministères ou par les collectivités territoriales et nous nous efforçons de promouvoir et de défendre toutes les formes de patrimoine. Je pense que les pouvoirs publics intègrent de mieux en mieux que le patrimoine est un gisement exceptionnel d’attrait touristique et de richesses économiques non délocalisables !

Que souhaitez-vous développer ?

Beaucoup de choses !

Je crois que la Demeure Historique doit maintenir un maillage territorial fort par l’intermédiaire de nos délégués. La DH est une association nationale représentée sur l’ensemble du territoire par plus de 150 bénévoles (délégués régionaux et départementaux). Elle bénéficie d’un véritable réseau territorial de qualité et est représentée dans la plupart des CRPA (Commissions Régionales du Patrimoine et de l’Architecture).

Le délégué est la courroie de transmission entre le local et le national. Cet échange ascendant et descendant est essentiel et nous permet d’être au plus proche des préoccupations du terrain lorsque nous parlons avec les ministères ou le Parlement.

Nous venons de mettre en place des référents thématiques. Les délégations régionales et départementales présentaient une organisation ancrée dans les territoires. L’objet de cette évolution est de pouvoir se réunir et travailler également par thèmes. Ces référents thématiques vont favoriser le partage d’expérience entre nos adhérents, au niveau local et national.

Pour cela, neuf grandes thématiques ont été définies :

  • Activité Touristique et Économique (ATE),
  • Cofinancements, publics et privés, nationaux et européens,
  • Fiscalité locale (la Demeure Historique étant particulièrement vigilante sur ce point compte tenu des réformes en cours),
  • Mécénat et parrainage,
  • Transition énergétique, y compris éolien
  • Éducation artistique et culturelle,
  • Parcs, jardins, forêts et eaux,
  • Transmission et acquisition de monuments,
  • Travaux et assistance à maîtrise d’ouvrage.

La thématique ATE constitue pour moi une priorité. Le nombre de monument accueillant du public dans le cadre d’une visite traditionnelle, pour des évènements culturels ou privés (mariage) ou professionnels (séminaires) ou pour d’autres usages (hébergement, showrooms, bureaux, etc.) est en constante évolution depuis la création de la Demeure Historique. Cette évolution est significative, elle montre que ces monuments ne pourront être pérennisés qu’en leur associant un modèle économique adapté tenant compte de leurs évolutions.

Dans ce groupe ATE chacun trouvera sa place et avancera à son rythme. C’est-à-dire qu’il faut encourager ceux qui souhaitent mener des expériences et développer leurs activités de façon professionnelle sans empêcher ceux qui souhaitent avancer progressivement, en tenant compte du temps, de leurs moyens ou de la spécificité de leur monument historique.

La DH apporte à ses adhérents un soutien notamment par le biais de formations. Pouvez-vous nous en parler ?

Oui, en effet, les formations sont, pour nous, très importantes et un service que nous entendons développer. La DH est déclarée comme organisme de formation et propose des formations de haut niveau d’expertise sur des thématiques variées : travaux,  fiscalité, ERP (Etablissement Recevant du Public), droit social, protection des abords, communication, etc…

A ce sujet, nous sommes en train de réfléchir à la mise en place d’une forme de certification pour les gestionnaires de monuments qui auraient été formés pendant 6 à 8 mois sur ces différentes thématiques.

Au-delà de ces journées de formation, l’équipe du siège propose un accompagnement adapté à chacun.

Tout comme la fédération Patrimoine-Environnement, la DH et vous-même défendez le patrimoine, les paysages et les abords des monuments historiques. Quelles sont selon vous les plus grandes menaces pour les paysages ?

L’une des grandes menaces à laquelle nombre de nos adhérents sont confrontés, ce sont les éoliennes implantées de façon anarchique et qui dénaturent les paysages. Nous sommes particulièrement vigilants et en tant qu’association agréée pour la protection l’environnement, nous accompagnons nos adhérents en intervenant notamment comme co-requérant.

En matière de protection des abords, la législation a beaucoup évolué, dans un sens qui n’est d’ailleurs pas favorable à cette protection. Dans nos échanges avec les parlementaires et les pouvoirs publics, nous rappelons régulièrement l’importance d’informer le plus en amont possible les propriétaires-gestionnaires de monuments pour qu’ils puissent sensibiliser de façon constructive les parties prenantes à la nécessité de prendre en compte le patrimoine et les paysages lors des arbitrages.

Vous voyez que la tâche est grande. Mais la mission passionnante !