Cheminées à ciel ouvert : la ministre est-elle seule contre tous ?

« Etiam si omnes, ego non » : (« Même si tous sont d’un avis, ce n’est pas le mien ») cette devise de la famille d’un mien arrière-grand-père m’est revenue en mémoire peu après le 14 février 2014, lorsque je m’étais insurgé ici contre l’arrêté du préfet de la Région d’Ile-de-France décidant, à compter du 1er janvier 2015 de l’interdiction de l’utilisation des âtres ouverts. Autrement dit plus question, dans la bonne vieille cheminée de tout un chacun, de  faire, comme tous nos ancêtres depuis la création du feu en frottant des silex l’un contre l’autre, une bonne flambée. J’avais une abyssale  impression de solitude : pas un soutien hormis celui, fidèle parmi les fidèles de Georges Duménil, président des Maisons Paysannes de France, dont l’indignation avait d’ailleurs précédé la mienne.

Il est des jours où l’on est persuadé d’avoir raison tant l’on trouve aberrante et stupide la décision prise ; et où l’on est a contrario fort perturbé par l’unanimisme des gens qui soutiennent l’inverse – surtout lorsque cette opinion quasi unanime est appuyée sur des rapports américains et européens qui affirment, sans apparente contestation possible, que les particules dites « fines » se dégageant des bonnes vielles cheminées sont plus dangereuses pour la santé des habitants des villes que tous les véhicules diesels réunis.

Bien sûr, au fur et à mesure que se rapproche l’échéance (de surcroît proche de Noël), le « public » se réveille et proteste contre l’interdiction qui lui est faite de retrouver ses racines au coin du feu, à la ville ou à la campagne. Comment transmettre les sonnets de Ronsard à sa descendance sans représenter la « vieille assise au coin du feu dévidant et filant » autrement qu’en décryptant, difficilement pour l’adolescent vivant dans une « zone d’éducation prioritaire », la vision d’une bûche en pvc, éclairée par une lampe led, elle-même protégée par un insert.

Mais nous trouvions que ce public se réveillait un peu tard, après l’expiration de tous ces délais soigneusement revus pour éviter tout contentieux  par le « secrétaire d’Etat à la Simplification » du moment.

Ces jours-là, même si l’on est loin de partager tous ses combats, une déclaration de madame Ségolène Royal apporte une incontestable impression de fraîcheur à la décision politique : ne vient–elle pas de dire, je cite « Je vais faire changer cette décision qui ne va pas dans le bon sens », estimant qu’avec cette disposition, « on était un peu dans l’écologie punitive ».

« J’encourage a- t-elle dit, le chauffage au bois. La forêt couvre 30 % de notre territoire, la France est quand même la quatrième forêt européenne (…) et le bois est une énergie renouvelable ».

« Cette décision » a dit madame Royal sur France 2 » était trop schématique et un peu absurde et « disons-le ridicule ». Elle a ajouté qu’il arrive que « les idées qui partent de bons sentiments soient idéologiques… ».

Quel bonheur qu’un tel discours sorte de la bouche d’une gouvernante après des années de « diktat » d’une unique pensée environnementale !

On ne repasse pas les plats végétaliens très souvent ! Permettons nous donc une requête à la ministre de l’Ecologie : pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement à l’article 5 du projet de loi sur la transition énergétique qui traite de l’isolation par l’extérieur ? Le bon sens n’interdit nullement de faire des économies d’énergie : il suffit de remplacer cette fameuse isolation extérieure qui risque de détruire toute la richesse du bâti traditionnel par une isolation intérieure non moins traditionnelle avec des matériaux placés en sous-toiture, là où ils sont le plus efficace.

Laissons pour aujourd’hui de côté le débat sur la « continuité écologique des fleuves et rivières » dont nous ne nous interdisons pas de parler aussi, bientôt en terme de  « bon sens ».

Mais comment associer le «  Public » à la politique du ministère de l’Ecologie : par exemple si madame Royal, à laquelle le G8 Patrimoine a demandé rendez-vous, et qui a répondu que son emploi du temps l’obligeait à confier le soin de recevoir les principales associations reconnues d’utilité publique du Patrimoine à « un directeur ou à l’un des collaborateurs du directeur », consentait à prendre le temps de cette rencontre au lieu d’en confier le soin à un agent de réception. Elle se rendrait alors compte que si cette décision qu’elle s’apprête à prendre n’est pas soutenue par les associations écologiques spécialisées dans l’analyse que l’on dit « scientifique » de la particule fine, elle l’est fermement par nos associations qui existent depuis 60 ou cent ans. Des associations qui, après avoir fait longtemps, comme monsieur Jourdain, de l’écologie sans le savoir, pratiquent en sachant d’où vient la civilisation, les disciplines environnementales  qui conduisent à un avenir marqué par le bon sens.

A bientôt madame la ministre…

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Alain de la Bretesche

Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations et Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’
Europa Nostra