ADAPTATION DU « DPE » AU PATRIMOINE ANCIEN : LE SÉNAT CONTINUE A SE MOBILISER !

Lors de l’édition 2022 du Salon du Patrimoine culturel, les associations du patrimoine adressaient une lettre ouverte [lien] aux deux ministres compétents pour les alerter solennellement sur les dangers que faisait courir au patrimoine ancien (le bâti d’avant 1948) un diagnostic de performance énergétique (DPE) aussi mal conçu pour ce qui le concernait que mal mis en œuvre.
À appliquer mécaniquement les normes retenues par un DPE ignorant les matériaux biosourcés qui le composent, le patrimoine ancien non protégé (les monuments historiques n’étant pas soumis au DPE) ne recevrait en effet que des « mauvais points » et méritait, sans bénéfice du moindre doute, l’opprobre de la qualification de « passoires thermiques » !
L’erreur totale de diagnostic des réglementateurs ne pouvant être ensuite corrigée par des diagnostiqueurs aussi fraîchement formés que parfois incompétents.
Or, il y va en architecture comme de la médecine : lorsque le diagnostic est erroné, le traitement l’est tout autant et le patient peut vite succomber à ceux qui prétendent le sauver.
Les malheureux propriétaires de fausses « passoires thermiques » se trouvant alors confrontés au dilemme de ne plus pouvoir louer et vendre leur bien, ou bien de passer par les remèdes des nouveaux Diafoirus de la rénovation énergétique. Quelle que soit l’option choisie, le désastre en étant le même car isoler des façades en bois avec du polystyrène est le plus sûr moyen de miner un patrimoine ayant jusqu’ici fait la preuve de sa durabilité. Et quand cette mauvaise action patrimoniale est en outre subventionnée, c’est de la part de la puissance publique un véritable pousse-au-crime !
Rien de tout cela n’a évidemment échappé à la vigilance du Sénat, fidèle défenseur du patrimoine de notre pays, qu’il s’agisse de la commission des affaires culturelles ou celle du développement durable. En 2023, une commission d’enquête, qui nous avait auditionnés et à laquelle nous avions adressé 16 propositions opérationnelles [lien], publiait un rapport sur la rénovation énergétique qui abordait ce sujet majeur, tandis que la Sénatrice Drexler, rapporteur du budget du patrimoine, remettait au ministre de la Transition écologique, à la demande de ce dernier, des propositions d’action.
Faisant suite au thème des JJP 2024 : « Le patrimoine survivra-t-il aux normes ? », les sénateurs prendront une heureuse initiative avec l’adoption unanime, en mars 2025, d’une proposition de loi [lien] modifiant le code de la construction pour mieux définir le bâti ancien (le bâti antérieur à 1948) et prévoir les adaptations nécessaires du DPE aux spécificités du bâti ancien ainsi défini. Cette avancée législative doit beaucoup à l’action de nos amis experts des Maisons paysannes de France.
Il reste désormais – et ce ne sera pas le plus facile – à obtenir le vote d’une Assemblée nationale pour le moins divisée, sur les bancs de laquelle les défenseurs du patrimoine sont beaucoup moins nombreux et qui est souvent aux prises avec une vision très normative de la Transition écologique.
Les Associations du patrimoine, au premier rang desquelles votre fédération, continueront donc à se mobiliser pour faire rectifier l’erreur fatale de diagnostic énergétique qui s’applique au patrimoine non protégé. Tout à l’opposé d’une passoire thermique, le bâti ancien porte en lui un « modèle écologique » qu’il convient enfin de faire reconnaître et de préserver de manière durable, en prodiguant les soins qui lui sont adaptés dans le contexte du changement climatique.
Plus que jamais, votre fédération agira pour que, comme elle le revendique dans son nom, patrimoine et environnement soient indissolublement associés !
Christophe Blanchard-Dignac
Président de Patrimoine-Environnement