La loi 3Ds : Bilan d’étape avant la commission mixte paritaire

Déposé le 12 mai 2021 par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ce projet de loi vise à « construire une nouvelle étape de la décentralisation ».


© Frédéric BISSON

Le texte tend notamment à favoriser la différenciation territoriale, en développant les possibilités de délégation de compétences aux collectivités territoriales pour réaliser des projets spécifiques et en élargissant le champ d’action du pouvoir réglementaire local. Il vise également à faciliter le recours à la consultation des électeurs dans les décisions publiques locales.

Après les sénateurs, les députés ont travaillé du 6 au 17 décembre, sur le projet de loi relatif à la Différenciation, la Décentralisation, la Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification de l’action locale (3DS) et ses 250 articles, pour y introduire un certain nombre de mesures leur tenant à cœur et supprimer de nombreuses dispositions ajoutées par le Sénat.

Concernant le patrimoine et les paysages, les députés ont prévu les dispositions suivantes : (cf article de notre revue 2021 Déconfinons enfin le Patrimoine : la loi 3DS protège t- elle nos paysages ? )

Le droit de veto du conseil municipal relatif à l’installation d’éoliennes a été supprimé (article 5 sexies). Les députés justifient cette suppression par l’article 82 de la loi dite « Climat et résilience » qui permet au maire d’une commune, concernée par l’implantation d’un parc éolien, de formuler des observations dans un délai d’un mois à compter de la transmission du résumé non technique de l’étude d’impact du projet. Le porteur doit alors y répondre dans un nouveau délai d’un mois, en indiquant les évolutions du projet qui sont proposées pour en tenir compte.

De même, la faculté pour les régions d’augmenter la distance minimale entre les éoliennes et les habitations (article 5 septies A), est supprimée. Cette faculté, introduite par le Sénat, aurait permis aux régions de relever le seuil minimum de 500 mètres prévu par la loi entre une éolienne et des habitations. En effet, depuis 2011, les éoliennes terrestres sont soumises à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement et l’implantation d’éoliennes de grande hauteur est soumise à une distance d’éloignement minimale de 500 mètres des habitations. L’article 139 de la loi dite « LTECV » a d’ailleurs clarifié que ce seuil de 500 mètres, prévu par la loi, constitue un minimum et que cette distance soit appréciée par le préfet délivrant l’autorisation environnementale au regard de l’étude d’impact.

Sur l’article 30 bis AA, un amendement du gouvernement, repris également en termes identiques par trois amendements d’origine parlementaire, desserre quelque peu les délais prévus initialement par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 en matière d’intégration des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols (dans le cadre du ZAN, ou zéro artificialisation nette d’ici à 2050) dans les documents de planification et d’urbanisme. Ces délais initiaux étaient en effet jugés irréalistes, de façon unanime notamment vis-à-vis du premier sous-objectif prévoyant, pour une première période de dix ans, une réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport aux dix années précédentes. L’amendement gouvernemental prévoit donc de donner six mois supplémentaires pour l’entrée en vigueur des documents de planification régionale (les régions étant les premières à devoir modifier leurs documents). Il en est de même pour les SCoT (schémas de cohérence territoriale) qui, bien que de niveau infrarégional, doivent « contribuer efficacement à la définition des enjeux au niveau régional ».

Enfin concernant l’article 62, le Sénat avait exclu de la protection des allées d’arbres, les voies privées :
Patrimoine-Environnement, avec 21 associations ont souhaité maintenir l’application de l’article L350-3 du code de l’environnement et ainsi préserver la protection des allées d’arbres, patrimoine culturel, paysager et environnemental mise à mal par ce projet de loi. En effet l’article 62 du projet de loi réduit le champ de protection des allées d’arbres « aux voies ouvertes à la circulation publique » alors qu’il était question auparavant de « voie de communication ».

Le projet de loi 3Ds constitue donc un recul par rapport à la protection existante,  même si les députés n’ont pas retenu la proposition sénatoriale qui visait à exclure également  les voies privées.

Au 9e alinéa de cet article il est précisé que «le représentant de l’État dans le département peut autoriser lesdites opérations lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements. »

Cependant cette dérogation est conditionnée à une demande d’autorisation avec la démonstration de l’absence de solution alternative « La demande d’autorisation ou la déclaration comprennent l’exposé des mesures d’évitement envisagées, le cas échéant, et des mesures de compensation des atteintes portées aux allées et aux alignements d’arbres que le pétitionnaire ou le déclarant s’engage à mettre en œuvre. Elles sont assorties d’une étude phytosanitaire dès lors que l’atteinte à l’alignement d’arbres est envisagée en raison d’un risque sanitaire ou d’éléments attestant du danger pour la sécurité des personnes ou des biens. Le représentant de l’État dans le département apprécie le caractère suffisant des mesures de compensation et, le cas échéant, l’étendue de l’atteinte aux biens. »

Il faudrait également  introduire des sanctions réellement dissuasives (sanctions pénales) qui seront mentionnées dans un décret en Conseil d’État.

Reste à voir ce qui sera décidé en commission mixte paritaire fin janvier