DPE : Le développement durable tuera-t-il le patrimoine ?

L’Enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. La loi Climat et Résilience et le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) qui la décline en sont l’illustration.

Nul ne saurait contester l’impérieuse nécessité d’assurer la transition énergétique de nos logements. Mais, comme souvent en matière d’écologie, la méthode ne sert pas l’objectif !

A laisser faire les auteurs de normes inadaptées et les marchands de solutions faites pour les constructions en béton, notre patrimoine ancien, en pierre ou en autres matériaux naturels, est gravement menacé : il risque même de mourir guéri !

Isoler par l’extérieur des maisons anciennes avec du polystyrène est non seulement une faute de goût mais aussi une véritable « bombe à retardement ». Sans même parler des erreurs d’exécution, l’humidité qui sera ainsi désormais emprisonnée minera inexorablement un bâti qui avait jusqu’ici résisté aux ravages du temps.

A l’origine , une méconnaissance de ce qu’est un bâti par essence bioclimatique, fait de matériaux issus de la nature et vivant avec elle.

Les vieilles maisons sont peut-être difficiles à chauffer l’hiver mais elles sont toujours fraîches l’été. Il faut les respecter, quand bien même elles ne sont pas classées, car elles font l’harmonie de nos villages et de nos petites villes, la beauté de nos paysages et l’attractivité touristique de notre pays.

Le bâti d’avant 1948, c’est un tiers du patrimoine français. Les millions de propriétaires ou de locataires qui l’occupent ne sauraient devenir, du jour au lendemain, des « parias » climatiques !

Patrimoine-Environnement et les associations du « G7 Patrimoine » n’entendent pas laisser faire ce déni de justice environnementale. Avec le renfort expert de l’Association des Architectes du Patrimoine, nous avons en novembre dernier alerté les ministres concernés ainsi qu’un certain nombre de Parlementaires, à commencer par le rapporteur des crédits du patrimoine, au Sénat.

Après la Cour des Comptes, la Haute Assemblée, chambre de la sagesse et de la réflexion, vient de se saisir du sujet avec la création d’une commission d’enquête parlementaire.

Saluons cette heureuse initiative ! Mais, pour éviter que l’irréparable soit commis, nous demandons un moratoire immédiat des dispositions législatives et réglementaires, entrées en vigueur en ce début d’année et qui, sans nul discernement, mettent « dans un même sac » le patrimoine ancien traditionnel et le patrimoine récent.

Nous exigeons une transition énergétique « juste » de ce patrimoine de caractère.

Pour ce faire, nous proposons des mesures à la fois adaptées et pragmatiques, allant d’un nouvel instrument de mesure : le DEPA (diagnostic énergétique du patrimoine ancien) à la réallocation des aides publiques vers les techniques les plus respectueuses de la nature mais aussi vers le public qui en a le plus besoin, en passant par la formation de professionnels compétents et l’accompagnement expert et désintéressé des propriétaires et des occupants.

En un mot, une politique de développement durable qui conjugue les actes avec les mots, de telle sorte que nous puissions sauver un patrimoine qui est authentiquement durable !

Christophe Blanchard-Dignac,
vice-président de Patrimoine-Environnement