Dynamisme et passion : les moteurs de Laure de Laforcade pour valoriser les sites et propriétés méconnus

Valoriser son patrimoine, investir dans l’avenir, protéger, transmettre…

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Voilà entre autres ce que propose Laure de Laforcade, fondatrice du cabinet de conseils et de services Pierres d’Avenir. Qu’est-ce qu’une société d’Ingénierie Culturelle ? Quelles perspectives professionnelles dans le secteur du patrimoine ? Réponses avec cette jeune auto-entrepreneure d’à peine trente ans lancée depuis six ans dans l’aventure de Pierres d’Avenir…

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Pouvez-vous nous présenter votre société au nom bien évocateur : « Pierres d’Avenir »… ?

portrait réduit laure de la ForcadeLaure de Laforcade : Pierres d’Avenir propose aux propriétaires privés de monuments historiques des plans d’action pour les aider à valoriser leur patrimoine. Cela passe par la création d’événements culturels, de visites ou la mise en place d’outils médiatiques par exemple. Avant l’exécution d’un projet de valorisation complet, il est impératif de réaliser une étude de faisabilité.

Je n’aime pas dire que l’enjeu est la « rentabilité » : ce serait trop prétentieux lorsque l’on sait que ces propriétés sont souvent des « gouffres financiers ». L’objectif s’envisage sur le long terme et vise d’abord à atteindre l’autofinancement des charges. Les bénéfices arrivent ensuite et souvent après plusieurs années de travail.

Notre but est d’ouvrir le site au public en proposant un programme qui prend en compte la géographie et l’histoire du lieu mais également les aspirations de la famille propriétaire du domaine – ce paramètre est très important.  Je ne prétends pas avoir créé un concept inédit, je suis simplement partie du constat qu’il existait des cabinets d’ingénierie culturelle – donc majoritairement destinés aux collectivités ou structures publiques – et qu’il fallait adapter le concept au secteur privé.

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Comment fonctionne Pierres d’Avenir ?

Laure de Laforcade : Je suis la seule salariée de Pierres d’Avenir mais je ne travaille pas seule : je suis associée depuis le début avec un réseau de professionnels en  freelance : des  muséographes, juristes, experts ou graphistes notamment ainsi que des structures spécialisées dans différents domaines (communication, sons et lumières etc.). Depuis trois ans Alice Meunier du Houssoy travaille avec moi et me seconde sur la plupart de nos projets.

Au lieu de répondre à des appels d’offres comme la plupart des cabinets d’ingénierie culturelle, Pierres d’Avenir contacte directement les propriétaires pour leur proposer ses services.

J’ai eu la chance de rencontrer Benoit de Sagazan1 pour mon mémoire de Master 2 en Gestion des Entreprises Culturelles. Lors de la création de Pierres d’Avenir, il m’a beaucoup aidé.

En me faisant confiance, les propriétaires des Caves du palais Saint-Firmin, dans le Vaucluse, et ceux du château de Longpra en Isère m’ont également aidée à constituer mon réseau.

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Avant d’en arriver là, quel a été votre parcours ?

Laure de Laforcade : Bien que depuis toujours attirée par le patrimoine, je ne me destinais pas à l’ingénierie culturelle. J’ai d’abord fait des études de Psychologie des Organisations pour travailler dans les ressources humaines. Un été, alors que je travaillais comme guide dans une propriété privée, j’ai eu un déclic et j’ai bifurqué dans mes études pour suivre un Master de Gestion des Entreprises Culturelles… dans le but de créer Pierres d’Avenir ! Ensuite, j’ai eu une superbe opportunité lors de mon stage de fin d’étude à la Demeure Historique en rencontrant les propriétaires des Caves du Palais Saint-Firmin. Ils m’ont fait confiance et aujourd’hui encore, nous travaillons ensemble : je gère leur site quotidiennement.

La création de Pierres d’Avenir n’a pas été facile, j’avais 23 ans    et ne me rendais pas compte de ce dans quoi je me lançais ! Mais je ne regrette absolument pas. Si c’était à refaire, je le referais sans hésitation !

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Quel regard portez-vous sur le secteur du patrimoine en France ?

Laure de Laforcade : La France est un pays au patrimoine très riche, chaque région compte son lot de merveilles.  Depuis quelques années, je constate un véritable engouement général pour le patrimoine. Le public manifeste de plus en plus d’intérêt pour les Monuments Historiques… Sûrement parce que de plus en plus de manifestations se mettent en place comme par exemple les « Rendez-vous aux Jardins » qui d’année en année prennent de l’ampleur. Depuis la création de Pierres d’Avenir, j’ai l’impression que le nombre de personnes attirées par ce métier ne cesse de croître. De plus en plus de masters spécialisés ouvrent dans les universités et les écoles…

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Quels conseils donneriez-vous à de jeunes gens désirant travailler dans la sauvegarde du patrimoine ?

Laure de Laforcade : Il faut être convaincu de l’intemporalité de ces vieilles pierres ! Le problème est toujours le même et particulièrement dans le secteur privé : on voudrait réaliser énormément de choses, il y a beaucoup d’idées… mais il y a peu de moyens. La clé, c’est l’adaptation. Par exemple, dans les caves du Palais Saint Firmin, nous n’avions pas le budget pour mettre en place des audioguides ; à la place, j’ai proposé des MP3. Nous avons enregistré nous-mêmes les voix en studio ! Le résultat est très bien et nous a coûté quatre fois moins cher qu’un système d’audioguide standard.

On ne fait pas ce métier par appât du gain. Vous devez être passionné avant toute chose, sinon, changez de domaine et tournez-vous vers le business de  base par exemple !

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Justement, dernièrement, le président de la Junior Entreprise de l’École du Louvre, Léopold Legros, nous expliquait que pour la deuxième édition du Plus Grand Musée de France, un partenariat a été établi avec les étudiants de l’Essec pour « tirer parti de la porosité entre culture et business » : la plus-value des étudiants de l’Essec sert notamment à la recherche de mécénat. Qu’en pensez-vous ?

Laure de Laforcade : C’est une très bonne idée !  La recherche de mécénat est un véritable métier, difficile – et qui n’est d’ailleurs pas le mien…

Il y a malheureusement beaucoup de demandes de mécénat aussi bien dans le secteur public que privé, il ne peut donc pas être l’unique solution, il faut en parallèle s’investir personnellement et investir suffisamment d’argent afin de mettre en place des idées adaptées à son monument. De nombreux propriétaires le font déjà et Pierres d’Avenir a été créé, entre autres,  pour les seconder.

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Quelles sont dans ce cas les alternatives que vous proposez ?

Laure de Laforcade : Tout est possible dans la mesure où l’on reste fidèle à l’image du lieu et à ce que souhaite faire passer le propriétaire. Il faut savoir se renouveler d’une année sur l’autre tout en ayant une ou plusieurs activités de base.

Je remarque que le public qui visite les châteaux  ne se renouvelle pas beaucoup ; ce genre de sortie culturelle n’est pas suffisamment démocratisée. Je dois avouer que parfois, en regardant les programmes des manifestations que proposent certains châteaux, je ne m’y retrouve pas. Il y a trop peu de manifestations pour « attirer » les jeunes – j’entends par « jeunes » ceux de 15 à 35 ans environ. On se félicite des initiatives en faveur des enfants, et c’est effectivement très bien, mais il n’y a pas que ça ! Peu de choses sont entreprises pour le public intermédiaire : entre les très jeunes et les personnes plus âgées. J’aimerais beaucoup monter ce type de projet, mais ce n’est pas ce qu’on me demande pour l’instant. Je garde mes réflexions dans un coin de ma tête…

1– Journaliste spécialiste du patrimoine, Benoit de Sagazan est notamment rédacteur en chef du Monde de la Bible, revue d’histoire, d’art et d’archéologie, membre du jury du concours « Un patrimoine pour demain » organisé par l’hebdomadaire Pèlerin et auteur de Patrimoine-en-blog qu’il anime quotidiennement depuis 2006. Patrimoine-en-blog est une référence en matière d’information et de réflexion sur le patrimoine en France. Benoit de Sagazan est, en outre, administrateur de Patrimoine-Environnement.

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